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vendredi, 27 avril 2018

Bergman vs Tarkovski

La dialectique qui se trouve au cœur de leurs œuvres respectives n’est pas la même : le duo ou le duel a la préférence de Bergman (comme au théâtre) tandis que le trio est privilégié par Tarkovski (comme sur le modèle de la trinité chrétienne). L’un met en scène des huis clos, des affrontements psychologiques, des accouchements de vérité dans la douleur ; l’autre, des intérieurs lumineux ou des paysages foisonnants, des images qu’on pourrait dire iconiques, des dialogues énigmatiques dont le sens est ouvert vers un au-delà. La métaphysique du premier est tout intérieure alors que celle du second est plus cosmique.

14:09 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : bergman, tarkovski

lundi, 02 avril 2018

De la singularité du Tintoret dans l'école vénitienne

L’intérêt de l’exposition du musée du Luxembourg se trouve dans son titre même : Tintoret, la naissance d’un génie. Ou comment l’un des trois grands de la peinture vénitienne du Cinquecento s’est tôt distingué des maîtres de son temps – Titien en particulier – et de ses modèles avoués – Michel-Ange notamment – par sa manière plus que par le choix de ses sujets.

Pour se démarquer de la peinture officielle – avant de finir par l’incarner à son tour, il a pris le parti de la rapidité d’exécution, du décentrement du sujet ou encore de la vue en contreplongée (dans les scènes dramatiques surtout, comme dans Jupiter et Sémélé ou Judith et Holopherne). Même pour l’art du portrait, il a privilégié le trois-quarts et surtout le fond noir afin de se concentrer sur le visage ou l’œil, dans lequel se réfléchit la lumière et où se révèle le fond de l'âme. Rien à voir avec la solennité des portraits de cour peints par Titien ou même Véronèse.

Il y a chez le Tintoret (Tintoretto : le petit teinturier) la recherche d’une vérité qui ne passe pas simplement par le dessin ou la couleur, mais par une géométrie désaxée (Jésus parmi les docteurs), une perspective en diagonale (Le Christ et la femme adultère) ou un raccourci en biais (La Princesse, saint Georges et saint Louis). Assurément, il a fait, comme les autres grands peintres de l’âge d’or vénitien, la transition entre la Renaissance et la période baroque ; mais il a fait mieux encore, en marquant une étape dans l’évolution de la peinture vers une plus grande liberté du trait, sinon du sujet.

13:11 Publié dans Beaux-arts | Lien permanent | Tags : histoire de l'art, tintoret

vendredi, 30 mars 2018

La Liberté de dire ou ce qu'il en reste

Il est devenu difficile voire impossible de parler dans l’espace public des différences, ce qui est un paradoxe puisqu’on ne cesse de célébrer en même temps la Différence. Il n’est plus seulement possible d’évoquer les différences entre les hommes et les femmes, les hétérosexuels et les homosexuels ou encore entre les nationaux et les étrangers, pour prendre les trois domaines les plus sensibles. Résultat : rien n’est dit que de convenu.

Par convenu, il faut entendre ce qui est admis sous un régime d’égalité et d’indifférenciation. Cela donne une nouvelle forme d’hypocrisie que l’on pourrait néanmoins rapprocher de la vieille hypocrisie bourgeoise (on professe une morale à laquelle on ne croit pas et que l’on contredit dans les faits), mais aussi de la dissimulation en usage dans les pays dictatoriaux (on tient un discours auquel on ne croit pas de peur de perdre sa position sociale voire d’être poursuivi en justice).

11:16 Publié dans Civilisation | Lien permanent

mercredi, 07 février 2018

Le Miracle de Persona

Persona est une sorte de miracle : ce film d'Ingmar Bergman (sorti en 1966) montre, à travers deux femmes opposées et pourtant fusionnelles par moments, le mal, le mal-être, la méchanceté, la souffrance, la vengeance et, au lieu d’être laid, effrayant ou répugnant, il est beau, fascinant et presque religieux. La lumière est religieuse, onirique, spectrale, et elle fait plus qu'adoucir la noirceur des sentiments ou des personnages ; elle transcende les visages, magnifie les paysages, réconcilie l’humanité avec le monde. A-t-on jamais vu un film qui soit à ce point cruel et sublime, terrible et merveilleux ? – En tout cas, rares sont les films qui présentent de tels contrastes.

12:18 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : bergman

samedi, 02 décembre 2017

La Terreur et la Déroute

La Chevauchée des bannis d’André de Toth est un western de montagne en deux parties qui met en scène la terreur et la déroute : la terreur que fait régner une bande de malfaiteurs poursuivis par l’armée régulière dans un village enneigé faussement tranquille ; la déroute de ces malfaiteurs, qui, après avoir terrorisé les villageois, prennent le chemin de la montagne où, conduits malicieusement par l’homme fort du village, ils s’entretuent pour s’approprier la totalité de leur butin et finissent par se perdre.

La première partie du film est une sorte de huis clos où l’on sent bien l’oppression et la peur de mourir. La seconde partie ressemble à une longue marche de la mort, au cours de laquelle une nature implacable s’abat punitivement sur une humanité maléfique. Une belle œuvre morale à laquelle il manque peut-être – par moments – une certaine esthétisation des situations ou une meilleure mise en valeur des décors naturels.

02:14 Publié dans Kino | Lien permanent

samedi, 18 novembre 2017

Dans le Jardin du diable de Hathaway

Le Jardin du diable de Henry Hathaway s’ouvre comme un très classique récit d’aventures sur le débarquement d’Américains sans cause dans un pays étranger – le Mexique – et trouve son argument dans la mission que leur confie une femme de sauver son mari qui est coincé au fond d’une mine d’or. S’ensuit une longue expédition à cheval pleine d’espérances, où la tentation de la chair se mêle à l’appât du gain. Mais le film tourne à la fable morale lorsque la présence fantomatique des Apaches anéantit tout rêve d’enrichissement et transforme l’équipée des mercenaires en voyage retour de l’enfer – le jardin du diable.

La dernière réplique du film – dite par Gary Cooper dans une lumière crépusculaire – lui sert de morale : « Si le monde était fait d’or, les hommes mourraient pour une poignée de poussière. » Plus que l’intérêt du scénario, il faut souligner la force de la réalisation de Hathaway, avec une image en Technicolor dominée par une tonalité chromatique entre le bleu et le mauve. Tout au long du film, des plans larges donnent à voir des paysages de montagne absolument somptueux, qui forment la toile de fond d’une œuvre aussi admirable que passionnante.

01:55 Publié dans Kino | Lien permanent

jeudi, 31 août 2017

Chef d'orchestre ou compositeur

Un réalisateur qui ne fait pas tout ressemble plus à un chef d’orchestre qu’à un compositeur.

01:05 Publié dans Kino | Lien permanent

mercredi, 16 août 2017

Pasolini contre Agamben

Dans ses Ecrits corsaires, Pasolini a dit des choses plus actuelles et plus impérieuses - sur le retour du Mal, la dégradation physique du monde et les effets destructeurs de la société de la consommation - qu'Agamben n’en a écrit dans Homo Sacer - sur l’homme nu face à l’Etat, la normalisation de l’état d’exception ou encore le camp comme espace biopolitique le plus absolu. L'un a pensé contre son époque - qui est encore la nôtre - tandis que l'autre pense surtout à celle d'avant, qui fut marquée par le totalitarisme nazi et les camps de concentration.

Agamben passe pour un penseur capital de notre temps parce qu'il a cherché à prolonger ou enrichir - d'une manière d'ailleurs intéressante - aussi bien les concepts d'Arendt (sur le système totalitaire ou la condition de l'homme moderne) et de Schmitt (sur l'état d'exception) que ceux de Foucault et de Deleuze (sur la biopolitique) ; mais en vérité, il suit le courant d’une pensée post-soixante-huitarde qui n’a fait litière ni du discours anti-autoritaire ni de l’utopisme anti-étatique. Il est un savant exégète qui se croit en avance d’un monde alors qu’il est en retard de quelque pensée.

01:26 Publié dans Philosophia | Lien permanent | Tags : pasolini

jeudi, 06 juillet 2017

L'Adieu de Zweig au monde

Le film de Maria Schrader - Stefan Zweig, adieu l'Europe - donne à voir quatre moments de l’exil de l’écrivain, qui oscille entre détachement et nostalgie, ironie et mélancolie, jusqu’à l’épilogue universellement connu. Toute la subtilité du film est de montrer, derrière ces oscillations et malgré l’attachement à une nouvelle terre – le Brésil –, le lent et presque imperceptible effondrement de Zweig. Il se voit en creux ou fugitivement, dans un geste, un regard ou encore le reflet d’une vitre de voiture où passe un feu de broussailles comme une vision de la guerre lointaine.

On est agréablement surpris par la forme d’un film, qui, avec son sujet, avait tout pour tomber dans l’ordinaire ou le déjà vu. On retient de belles choses : le plan fixe de l’ouverture ou celui de l’épilogue, divisé en champ et contrechamp par le miroir d’une armoire, ou encore ce diptyque visuel où, dans un appartement new-yorkais, Zweig et son ex-femme semblent abattus sans se regarder. L’image d’un couple qui s’est défait dans un monde lui-même en train de se défaire et qui, pour cette raison même, ne peut se reformer.

01:18 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : zweig

dimanche, 18 juin 2017

Le Retour de Schlöndorff

Retour à Montauk ou comment rattraper le temps perdu. Tel pourrait être le sous-titre de ce film de Volker Schlöndorff qui met en scène un écrivain au double nom symbolique – Max Zorn cherchant à faire revivre un amour passé, lequel restera toutefois fantomatique. Ce qui aurait pu être ne sera jamais. Morale douce-amère d’une histoire qui pourrait avoir été empruntée à la vie de Max Frisch ou à celle de son ami, Schlöndorff lui-même. Mais il ne s’agit peut-être pas tant d’un film-testament que d’une œuvre de regret servant à sublimer des blessures secrètes ou des insatisfactions jamais surmontées. En tout cas, la forme est belle, lumineuse, d’un romantisme qui rappelle parfois celui de Caspar Friedrich (les images de bord de mer), et elle tranche avec la fadeur des derniers films de Schlöndorff.

01:14 Publié dans Kino | Lien permanent