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jeudi, 24 février 2022

Le ressort de la conquête

Une guerre de conquête naît généralement de la volonté de muer un insurmontable ressentiment en puissance impériale.

09:52 Publié dans Jeu de massacre | Lien permanent | Tags : sentences

dimanche, 30 janvier 2022

Ce qu'un acronyme dit et ne dit pas

Les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont des mouroirs qui ne disent pas leur nom. Ce sont des lieux où la fin de vie est institutionnellement organisée au double avantage des familles délaisseuses et des profiteurs de la misère de l’âge. Il existe plus qu’un contrat tacite entre les unes et les autres pour éloigner les vieillards égrotants ou cacochymes de la vue des plus vaillants. On parlera d’individualisme ou d’égoïsme, mais il faut aussi parler de la faillite de la famille.

Les liens entre les générations se sont dissous sous l’effet cumulatif du déclin de la culture religieuse, de la libéralisation des mœurs et de l’émancipation féminine. Pis encore, le temps de la famille a été grignoté et finalement préempté par le travail, la consommation et les loisirs. La famille s’est d’abord amoindrie, rétrécie, avant d’éclater, malgré ses fausses recompositions diverses et variées. Les personnes âgées ont été expulsées du cercle familial, puis reléguées, isolées dans les antichambres de la mort qui se sont appelées successivement asiles, maisons de repos et désormais établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes. Autant de mots pour cacher la terrible réalité d’une réclusion de fin de vie.

13:04 Publié dans Civilisation | Lien permanent | Tags : décivilisation

jeudi, 16 décembre 2021

Myopie contemporaine

La conjoncture prend toute la place qui devrait être celle de la perspective. Cette situation vient notamment de ce que certains concepts qui permettraient de penser le monde contemporain sont mis de côté au profit de deux visions présentistes et faussement antagonistes : l’économisme et le sociologisme. Il y a bien aussi l’écologisme qui à sa manière est un perspectivisme ; mais celui-ci demeure insuffisant pour appréhender complètement le devenir des civilisations. Ainsi ne voit-on pas toute la portée historique ou métahistorique de certains phénomènes parce qu’on s’interdit de les interpréter à la lumière de concepts inactuels (divertissement, décadence, vitalité, volonté de puissance, ressentiment).

15:08 Publié dans Civilisation | Lien permanent | Tags : pascal, nietzsche, spengler, valéry

mardi, 23 novembre 2021

La sagesse de Malraux

Toute la sagesse de Malraux se trouve peut-être dans le regard apaisé de Gisors à la fin de La Condition humaine. Réfugié au Japon, le vieux Gisors, que la mort de son fils a métamorphosé et qui a décidé de ne pas suivre sa bru à Moscou, contemple tout en fumant les tumultes de la vie moderne avec détachement. Belle image poétique que celle de la fumée d'opium qui s'échappe de sa pipe et s'élève vers un ciel traversé par des nuages, auxquels il associe tous les êtres morts qu'il a connus. L'idée de révolution s'évanouit ainsi dans cette unité du monde retrouvée au pays du soleil levant par la grâce du bouddhisme zen.

14:47 Publié dans Sophia | Lien permanent | Tags : malraux

samedi, 16 octobre 2021

Un principe menacé

Le mouvement pour l'égalité des droits, notamment entre les sexes, s'est mué en un combat socio-culturel qui se situe au-delà de la question des droits. La passion égalitaire, qui se nourrit à la fois du ressentiment et de la mauvaise conscience, ne peut se suffire de la raison du droit. C'est pourquoi elle s'attaque désormais aux sexes eux-mêmes en remettant en cause jusqu'à leur existence. Et la suite logique de cette offensive sera la remise en question de certains principes juridiques ou politiques qui paraissaient acquis au nom d'une nouvelle conception de l'humanité, tout à la fois débinarisée, déspécisée et débiologisée. Avec la montée de la transsexualité et la reconnaissance déjà en marche d'un "sexe neutre", le modèle de représentation paritaire ne manquera pas d'être sur la sellette un jour ou l'autre. Autant dire que, loin d'être un principe pérenne, la parité pourrait bien n'être qu'un principe de transition.

01:19 Publié dans Masculin/Féminin | Lien permanent | Tags : parité

jeudi, 23 septembre 2021

Un nouveau stade de la déconstruction

Après la déconstruction des idées, voici venu le temps de la déconstruction des hommes. De bons esprits progressistes considèrent que les mâles doivent être déconstruits, c’est-à-dire dépouillés des derniers oripeaux de la domination masculine. Il faut mesurer le chemin parcouru par l’idéologie progressiste en moins d’un siècle : le modèle de l’homme nouveau est passé d’une manière de surhomme productif – personnifié par Stakhanov – à un mâle diminué pour le bien des femmes et de l’environnement. Pour les nouveaux progressistes, l’espérance ne réside plus dans l’émancipation de l’humanité, mais dans la diminution de la part de virilité en l’homme. C'est la condition pour que la domination disparaisse – ou simplement pour qu'elle change de mains. 

lundi, 16 août 2021

Liaison et déliaison chez Bergman

Le Lien d’Ingmar Bergman est une belle histoire d’adultère qui met moins l’accent sur la triangulation de l’amour que sur l’opposition des sentiments, des caractères et des milieux. C’est par ce qui les oppose que les amants s’aiment et se désaiment alternativement avant de se séparer définitivement. Bergman montre bien ce qu’il y a à la fois d’irrésistible et d’impossible dans l’amour lorsqu’il est pulsionnel, passionnel, exclusif, sans considération d’intérêt ou de famille. On pourrait y voir un film moral dans le fond ; mais on peut aussi y voir une illustration de la vision réaliste, cruelle et conflictuelle qu’avait Bergman de l’amour. A noter également la petite ville hors du temps où se passe l’action du film, le choix de musiques minimalistes et intrigantes à la fois ou encore la scène finale, faite d’une succession de plans éloignés, qui clôt l’amour des amants.

23:22 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : bergman

dimanche, 15 août 2021

L'iconographie du moi

Nos contemporains veulent à toute force se rendre visibles, c’est-à-dire exister par l’image. Il y a dans cette recherche de visibilité une quête d’éternité fugace qui rappelle dérisoirement l’espérance d’une véritable éternité. Les écrans ont remplacé les icônes ; mais ils renouvellent, tout en l’abaissant, la vieille iconographie. Jamais les faux dieux n’ont été aussi nombreux dans un monde déserté par la transcendance. Tout adepte des réseaux sociaux est tenté de se prendre pour un dieu sur son écran, en offrant des images de lui-même à l’admiration des autres. C’est le miroir de soi érigé en icône pour tous.

02:09 Publié dans Psyché | Lien permanent

lundi, 12 juillet 2021

Un libéralisme paradoxal

Que devient le libéralisme ? Il tourne paradoxalement au dirigisme. Du point de vue de l'orthodoxie libérale, un équilibre doit être trouvé entre l'autorité de l'Etat régalien et la responsabilité laissée aux individus. Mais nos Etats libéraux ont pris l’habitude de diriger les individus, y compris dans le domaine des mœurs ou de la vie privée, au lieu de les laisser décider de ce qui est bon pour eux. Au fond, le dirigisme économique a laissé la place à un dirigisme sociétal.

23:11 Publié dans Politie | Lien permanent | Tags : libéralisme

dimanche, 20 juin 2021

Tempêtes et naufrages

Le musée de la Vie romantique donne à voir l’évolution de la représentation de la tempête dans la peinture européenne de Rubens à Boudin, en passant par Vernet, Valenciennes, Isabey, Turner, Martin et Courbet. Cette évolution est marquée par trois moments clés qui sont aussi des tournants philosophiques ou politiques : la naissance du naufrage comme un genre se détachant de la peinture d’histoire au siècle des Lumières, la dramatisation du naufrage qui fait ressortir la toute-puissance de la nature à l’âge romantique et la sentimentalisation du naufrage à travers la figuration des victimes (influence du socialisme ou du catholicisme social ?) dans la seconde moitié du XIXe siècle.

D’une certaine façon, il y a trois registres ou trois genres en un pour le naufrage : le tragique, le dramatique et le pathétique. En tout cas, on voit bien que l’art de Joseph Vernet consiste à enfermer la mer dans un cadre classique, comparable au théâtre du même nom, tandis que Courbet ou Boudin font éclater ce cadre pour la représenter dans toute la matérialité de ses éléments (le grain, l’écume et l’écueil). De même, la place de l’homme qui reste minuscule dans le naufrage vu par Vernet, Isabey ou Garneray grandit jusqu’à devenir essentielle en éclipsant le phénomène naturel de la tempête comme chez Géricault, Feyen-Perrin ou Luminais. Un humanitarisme esthétisant finit par l’emporter sur l'esthétisation d'une nature déchaînée.

20:32 Publié dans Beaux-arts | Lien permanent | Tags : histoire de l'art