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lundi, 12 décembre 2022

Un chef-d’œuvre méconnu : La Poupée de Wojciech Has

Il est des films qui vous font vivre une véritable expérience visuelle ou artistique. Assurément, La Poupée de Wojciech Has – qui date de 1968 – est de ceux-là. Rappelons qu’il y eut un grand cinéma polonais dont les noms les plus connus de ses représentants ne disent pas toute l’importance, puisqu’un réalisateur aussi remarquable que Has (1925-2000) – surtout connu pour le Manuscrit trouvé à Saragosse – demeure mal connu.

La Poupée est l’adaptation d’un roman de l’écrivain polonais Boleslaw Prus (1847-1902), dont l’ensemble de l’œuvre, par la peinture qu’elle donne d’une époque (celle de la Pologne sous domination russe et austro-hongroise), se situe entre Balzac et Zola, avec une touche de Tolstoï en plus. L’argument du film est celui-ci : un homme qui s’est enrichi par le commerce et veut se faire une place dans la haute société varsovienne cherche à conquérir une jeune aristocrate, aussi troublante que désargentée.

Le film est passionnant à plus d’un titre. Tout d’abord, il donne à voir le tableau baroque et néanmoins accablant d’une société aristocratique sur le déclin comme nous pouvons en voir chez Visconti. Ensuite, il fait le portrait subtil et contrasté d’un parvenu – assez proche de certains personnages balzaciens – dont la réussite n’est qu’apparence et insatisfaction. Enfin et surtout, il témoigne de toute l’étendue des talents d’un réalisateur qui est peintre tout autant que cinéaste et scénariste.

Le style de Has est fait principalement de lents travellings latéraux qui entretiennent une forme de mystère et plongent le spectateur dans un monde se tenant à mi-chemin de la rêverie et du cauchemar. La Poupée est un va-et-vient entre deux réalités ou les deux faces d’une même réalité : le faste des salons et la misère des bas-fonds, la dureté des rapports de classes et la trompeuse illusion des sentiments.

L’alternance ou le mélange des genres réaliste et romantique maintient le film dans une tension permanente (entretenue également par la musique étrangement inquiétante de Kilar) qui ne peut trouver sa résolution que dans le drame. Ainsi le désir de conquête s’accompagne-t-il d’humiliations jusqu’à la plus grande d’entre elles, dont il n’est possible de sortir que par la mort ou la fuite. Le dénouement du film est amer, et le spectateur peut y voir une morale ou simplement une leçon de vie.

23:54 Publié dans Kino | Lien permanent