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samedi, 01 juin 2024

Camus ou la Morale de la révolte

L'article sur la morale de Camus est à lire sur le site de la revue Le Contemporain.

https://www.lecontemporain.net/2024/06/camus-ou-la-morale...

14:02 Publié dans Philosophia | Lien permanent | Tags : camus

jeudi, 18 janvier 2024

Montesquieu et ses pensées pour lui-même

Le 18 janvier est le double anniversaire de la naissance de Montesquieu en 1689 et de l’ouverture des archives du château de La Brède en 1889. Celle-ci fut suivie de la première publication de ses « pensées » dans une version in extenso. Seules quelques-unes d’entre elles avaient été publiées jusqu’alors sous la forme de plaquette ou de variétés.

Dans l’esprit de l’auteur, ce recueil intitulé Mes pensées n’était pas destiné à une publication, à la différence d’un autre publié de son vivant sous le titre du Spicilège (qui se présente surtout comme une suite de notes encyclopédiques).

Contrairement aux Pensées de Pascal, celles de Montesquieu n’ont pas été consignées en vue de la composition d’un ouvrage en particulier, mais comme une réserve d’idées gardées « pour y penser dans l’occasion » ou une bibliothèque d’idées à l’usage de soi.

On y retrouve toutefois l’esprit ou même les idées qui ordonnent toutes les œuvres du philosophe et qui se résument en une seule, héritée d’Aristote : le rapport entre les choses. La vertu, la liberté ou encore le despotisme doivent être toujours évalués dans une mise en relation, car l’homme est essentiellement un animal social.

Montesquieu formule aussi des pensées qui auraient mérité d’être développées ailleurs comme celle sur l’agrandissement de la capitale d’un Etat qu’il associe au despotisme, faisant de lui un tenant du girondisme politique avant la lettre. Mais c’est surtout par le recours à la forme aphoristique que l’auteur de Mes pensées se distingue de celui du traité juridico-politique qu’est De l’esprit des lois.

Il commence par reprocher aux auteurs moraux d’être outrés et de ne parler qu’à un entendement pur, avant de voir en La Rochefoucauld un maître en qualifiant ses maximes de « proverbes des gens d’esprit ». Mieux encore, il adopte l’esprit des moralistes en considérant que la philosophie et un certain bon sens « ont gagné trop de terrain en ce siècle-ci pour que l’héroïsme y trouve désormais une bonne fortune. » D’où la décadence de l’admiration qu’il constate également.

Il reconnaît comme il le ferait d’un péché qu’ « un des grands délices de l’esprit des hommes est de faire des propositions générales », après avoir critiqué les livres qui sont « un amas de propositions générales presque toutes fausses », et compose à son tour de belles sentences morales (ainsi par exemple : « L’argent est très estimable lorsqu’on le méprise. »).

Quant à la philosophie, il semble répondre non sans ironie à Montaigne qu’il faudrait surtout l’étudier pour apprendre à dormir. Mais lorsqu’il renonce à l’ironie, il sait aussi philosopher à la manière de l’auteur des Essais : « Je n’ai que deux affaires, l’une de savoir être malade, l’autre de savoir mourir. »

Rien que pour celles sur la sagesse ou la mort qui ne se trouvent dans aucune autre de ses œuvres, les Pensées de Montesquieu méritent d’être lues, méditées et saluées.

lundi, 18 décembre 2023

La Perfection des jours selon Wenders

L’histoire de Perfect Days est merveilleusement simple, presque saugrenue : au cœur de Tokyo, un homme mûr et solitaire écoute de la musique, lit de la poésie et photographie des arbres, lorsqu’il ne récure pas des toilettes publiques. La nuit, il fait des rêves nébuleux et nostalgiques. Sa vie est en tous points réglée, ritualisée comme celle d’un moine ou d’un oblat appartenant à une communauté invisible. Loin d’ennuyer, ce film réalisé avec finesse amuse, émeut et enchante. Mieux : il édifie. Le bonheur se suffit des choses les plus simples jusque dans leur répétition quotidienne. Tout est une question de rite, sans même que la foi soit nécessaire. L’esprit d’Ozu, cher à Wenders, n’est pas loin.

10:16 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : ozu, wenders

mercredi, 01 novembre 2023

L'Au-delà de la peinture de Nicolas de Staël

Une exposition consacrée à Nicolas de Staël, au musée d'Art moderne de la ville de Paris, permet de prendre toute la mesure de l'artiste à travers ses inspirations et ses recherches successives. Tout n’est certes pas égal ou génial dans son œuvre (nombre de tableaux sont d’un déconstructivisme ou d'un minimalisme déconcertant) ; mais il y a la quête continue et comme éperdue d’une forme épurée de la peinture, débarrassée des écoles, des catégories ou des courants antagonistes.

Parmi les différentes périodes du peintre, on peut retenir trois séries tout à fait remarquables : celle sur la côte normande où l’abstraction se confond déjà avec la figuration ; celle sur la Sicile où les couleurs éclatent d’une manière prodigieuse ; celle sur la Provence où le découpage du paysage jusqu'à son point de fuite atteint une forme de perfection. Bien qu’elle tende à l’abstraction, la peinture de Nicolas de Staël trouve dans la représentation de la réalité ou même le genre paysagiste sa plus belle expression.

L'idée du fil du rasoir pourrait convenir à Nicolas de Staël pour caractériser l'entre-deux de sa peinture, toujours entre l'abstraction et la figuration, mais aussi cette manière particulière qu'il a de découper la réalité comme s'il procédait à des collages de formes et de couleurs. En vérité, ce qui paraît relever de la composition ou de la décomposition est plus près de la vision, de la perception extrasensorielle ou de l'intuition fondamentale, comme s'il y avait chez lui un au-delà de la peinture.

01:13 Publié dans Beaux-arts | Lien permanent | Tags : de staël

mercredi, 04 octobre 2023

L'éternel retour du même à Marienbad

L’Année dernière à Marienbad fascine comme une énigme. Le film d'Alain Resnais est construit comme un roman de Robbe-Grillet, avec une temporalité circulaire qui tourne autour d'un point fixe du passé, aussi incertain que lancinant. C'est cette lancinance qui, au lieu de lasser, capte et même capture le spectateur, saisi qu'il est par une impression d'éternel retour du même dans le décor labyrinthique et néanmoins somptueux d'un château baroque sur fond de musique d'orgue. Le doute l'envahit comme il s'empare des deux personnages principaux du film qui ne savent pas s'ils ont vécu ou rêvé une liaison l'année précédente à Marienbad ; mais l'emporte pour le spectateur une expérience visuelle unique qui s’accompagne d’un questionnement métaphysique sur la mémoire, le temps et une éternité possible.

00:52 Publié dans Kino | Lien permanent

mercredi, 23 août 2023

Le doute, entre folie et sagesse

Un entretien avec la revue Le Contemporain au sujet d'Un doute sans vertige n'est qu'un exercice spirituel est à lire sur le site de cette revue.

https://www.lecontemporain.net/2023/08/gilles-sicart-le-d...

13:02 Publié dans Philosophia | Lien permanent

jeudi, 29 juin 2023

Un doute sans vertige n'est qu'un exercice spirituel

Maximes et Sentences de Gilles Sicart publiées aux éditions de Portaparole.

https://portaparolefrance.com/boutique/nouveau/un-doute-s...

00:31 Publié dans Lettres | Lien permanent

vendredi, 23 juin 2023

Le Double Regard de Pascal sur le monde

L'article, qui rend hommage à Blaise Pascal (pour son quatre centième anniversaire), est à lire sur le site de la revue Mission.

https://www.revuemission.fr/le-double-regard-de-pascal-su...

00:17 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : pascal

jeudi, 04 mai 2023

Joubert, moraliste pour lui-même

Voilà un écrivain qui n’eût pas été connu sans Chateaubriand. Depuis la publication posthume d’un recueil de pensées par les soins de ce dernier, Joseph Joubert s’est établi dans l’histoire de la littérature comme un moraliste s’inscrivant dans la lignée de ses grands devanciers.

Pourtant, cette filiation ne va pas tout à fait de soi. Joubert ne voit pas le vice derrière la vertu comme La Rochefoucauld, ni la passion derrière la raison comme Vauvenargues, ni le règne de l’opinion derrière la règle sociale comme Chamfort.

Comme eux, il cherche néanmoins à saisir la vérité de l’être humain sans se conformer à un dogme ou à un principe. Il se défie de l’éloquence qui ne lui paraît bonne qu’à « répandre l’illusion sur les actions humaines ». Aussi préfère-t-il la simple notation au discours continu ou la formule frappante au long raisonnement, en considérant que « tout ce qui est exact est court. »

Sans cultiver le style du Grand Siècle, il lui arrive d’égaler Bossuet par le recours à une image poétique comme ici : « La mémoire est le miroir où nous contemplons les absents. » Il est aussi capable de forger des sentences morales dignes de La Rochefoucauld comme celle-ci : « La médisance est le soulagement de la malignité. »

Mieux que moraliste, Joubert se veut avant tout philosophe et commente aussi bien les Modernes que les Anciens, en dépit de ses préventions contre les Lumières. Il considère que la philosophie a sa muse comme les arts libéraux et qu’elle doit être exercée comme un art à part entière. Mais loin de vouloir demeurer dans le monde des idées, il subordonne la métaphysique à la morale ; en effet, si l’une a l’être pour objet, l’autre lui donne son sens.

Cela le conduit à être parfois plus moralisateur que moraliste. A ses yeux, la connaissance de la vérité doit servir à être meilleur. Il ne coupe pas la morale de la religion : sans Dieu, il ne peut y avoir de vérité morale ou, en tout cas, « une idée exacte de la morale ». Pourtant, il ne s’attache guère à distinguer comme d’autres moralistes la vertu véritable de ses apparences, même s’il a cette formule judicieuse : « Etre vertueux par calcul est la vertu du vice. »

Au demeurant, il oppose le cœur et l’esprit à la manière de Pascal. Mais dans son rapport au corps, il énonce des paradoxes qui ne le mettent pas très loin de Montaigne, lorsqu’il écrit par exemple qu’ « Il y a un degré de mauvaise santé qui rend heureux. » Dans le même esprit, il soutient que la vie et la santé ne sont pas une seule et même chose.

Joubert est donc un moraliste qui moralise, un diariste qui philosophe, un écrivain qui ne s’occupe que de penser. Son mérite est d’écrire sans vanité, avec le seul souci de la vérité ; mais sa limite est de n’être qu’un auteur de pensées.

21:45 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : moralistes

jeudi, 13 avril 2023

Chamfort ou la Misanthropie rieuse

Il est bien des contradictions ou des paradoxes chez Chamfort. Il cultive le bel esprit et il fustige les artifices de la civilisation. Il se trouve heureux dans la solitude et il reste convaincu que la société doit être refaite. Il embrasse les idées de la Révolution et il regrette la compagnie des gens de l’Ancien Régime.

Pour commencer, il pose un regard implacable sur la nature humaine qui l’inscrit dans la lignée de La Rochefoucauld : « Dans les grandes choses, les hommes se montrent comme il leur convient de se montrer ; dans les petites, ils se montrent comme ils sont. » Sans dénigrer la vertu, il se soucie de la vérité de la morale plus que de la morale de la vérité.

Il pousse le pessimisme moral assez loin en considérant que le genre humain, déjà mauvais par nature, est devenu plus mauvais encore avec la société. Ainsi pense-t-il que chaque être humain porte en lui plusieurs catégories de défauts tenant à l’humanité, à l’individu, à la classe ou au sexe, ces différentes strates de défauts ne faisant qu’augmenter avec l’âge.

Avec tout cela, comment ne pas être misanthrope ? Chamfort le reconnaît lui-même : « Il est presque impossible qu’un philosophe, qu’un poète ne soient pas misanthropes. » Et si le reste de l’humanité ne l’est pas, c’est qu’une faiblesse du caractère ou un défaut d’idées l’empêche tout simplement de l’être.

Chamfort partage avec Rousseau une misanthropie active et le rêve d’améliorer les institutions humaines. Bien que tenté par le retrait du monde, il sait la nécessité de la vie en société et souhaite que par l’action des hommes l’inégalité des conditions soit corrigée autant qu’il est possible.

Mais à la différence du sentimental Jean-Jacques, Chamfort a un penchant pour le rire qui s’exprime dans ses Maximes et Pensées comme dans ses Caractères qui viennent les compléter. Aussi noire que soit sa vision de l’humanité, il considère que « la plaisanterie doit faire justice de tous les travers des hommes et de la société. »

Sans doute est-ce dans le domaine qui appartient au libertin qu’il se montre le plus spirituel et non seulement le plus incisif. On lui doit cette fameuse sentence sur ce qui unit les êtres le temps d’une vie ou d’une nuit : « L’amour, tel qu’il existe dans la société, n’est que l’échange de deux fantaisies et le contact de deux épidermes. »

Dans le fond, Chamfort est assez peu fait pour l’esprit de sérieux qui caractérise les révolutionnaires. Il est certainement trop jouisseur – y compris de ses propres mots – pour n’être qu’un philosophe ; mais il est aussi trop moraliste pour être un véritable écrivain politique.

11:19 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : moralistes, chamfort, la rochefoucauld