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jeudi, 22 septembre 2022

In memoriam Jean-René Huguenin

Il y a soixante ans disparaissait un des écrivains les plus doués de sa génération. Il avait vingt-six ans et une œuvre plus qu’embryonnaire à son actif.

Il a laissé un roman fort (La Côte sauvage), un journal captivant (préfacé par Mauriac) et de nombreux articles piquants (parus notamment dans la revue Tel Quel).

Il aurait pu être le d’Artagnan d’un groupe de mousquetaires qui comprenait également Hallier, Matignon et Sollers, s’il n’avait commencé à prendre ses distances vis-à-vis d’eux et finalement quitté leur revue commune. Il était trop libre et singulier pour appartenir à une coterie littéraire.

Il n’admirait guère ses contemporains, mais il était plus exigeant avec lui-même qu’avec les autres. Il  ne s’épargnait pas, ni ne s’économisait, refusant l’abandon ou la facilité. Il recherchait l’intensité dans sa vie comme dans son écriture.

Le destin eût pu lui offrir une mort glorieuse ; mais Huguenin n’a eu droit qu’à une mort presque ordinaire au volant d’une voiture rapide sur une route de campagne, non loin de Rambouillet. Ainsi mouraient les écrivains modernes.

Dans la mort, il a suivi Camus de vingt et un mois et précédé Nimier de six jours. 

11:46 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : huguenin

mercredi, 31 août 2022

Amiel au sujet du progrès

Henri-Frédéric Amiel a peut-être donné la meilleure définition du progrès. Elle se trouve dans son Journal intime à la date du 30 décembre 1874 (tome X, éditions de L'Age d'homme) : « Mille choses avancent, neuf cent quatre-vingt dix-huit reculent ; c’est là le progrès. » Une version alternative et probablement apocryphe circule un peu partout avec « neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ». Sans doute vient-elle d’un recopiage hâtif et inspiré par la volonté – inconsciente ou non – de rendre la formule plus frappante.

Pourtant, Amiel n’a pas voulu qu’elle fût ainsi. Quel sens faut-il donc donner à ce neuf cent quatre-vingt-dix-huit qui apparaît comme une réserve voire une double réserve avec un écart de deux accordé au progrès ? Dans le fond, son idée était que la marche du progrès est très près d’être un jeu à somme nulle ; mais la nuance est importante : « très près » ne signifie pas que cela en soit un. En réduisant l’écart de deux à une seule avancée, on pourrait laisser penser – non sans ironie – que le seul avantage du progrès est la marche du temps. Or, précisément, c’est peut-être ce que cherchait à éviter Amiel.

18:55 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : amiel, progressisme

samedi, 23 juillet 2022

Le Jour dit d'Alain Leroy

Le 23 juillet est le jour d’un suicide connu de quelques cinéphiles et amateurs de littérature. En vérité, il s’agit surtout de cinéphiles puisque cette date n’apparaît pas dans le roman dont le film est l’adaptation et où seul est indiqué le mois de novembre (c'est une "belle nuit de novembre" qui précède le matin du suicide). Le film porte le même titre que le roman (Le Feu follet), mais le personnage d’Alain est affublé du patronyme de Leroy qu’il n’a pas dans le livre comme pour souligner qu'il fut, avant la cure de désintoxication, un roi de la nuit. La date du 23 juillet est écrite au feutre sur le miroir de la chambre d'Alain et entouré d’un cercle comme pour marquer la détermination de celui-ci à mourir à cette date. A la force du livre de Drieu La Rochelle vient s’ajouter la grâce d’un film qui doit autant à la réalisation en clair-obscur de Louis Malle et au jeu criant de vérité de Maurice Ronet qu’à la musique mélancoliquement insolite de Satie.

20:40 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : mélancolie, drieu, satie

vendredi, 24 juin 2022

La meilleure des assurances-vie

L’art est une chose merveilleuse qui peut faire d’une simple signature la meilleure des assurances-vie.

10:56 Publié dans Beaux-arts | Lien permanent | Tags : sentences

vendredi, 27 mai 2022

L'esprit de Svevo en raccourci

Dans Le Bon Vieux et la Belle Enfant de Svevo, un vieil homme entretient une liaison avec une jeune femme contre rétribution et, à la suite d’un accident de santé, finit par en concevoir quelques remords. Il se donne alors une nouvelle morale, fondée sur l’idée que les vieilles personnes ont des devoirs envers les jeunes gens, qui le conduit à mettre fin à sa liaison, mais aussi à écrire un long texte, tenant de l’essai théorique plus que du récit autobiographique, qu’il ne tarde pas à regarder comme son grand œuvre. Cependant, les difficultés qu’il rencontre à l’écrire l’épuise et finalement le tue.

Tout l’esprit de Svevo se retrouve dans cette nouvelle composée au soir de sa vie : le goût des femmes légères, une tendance à la dérision pour les choses de l'amour, un profond pessimisme tempéré par une bonne ironie et une philosophie vitaliste à rebours selon laquelle la maladie est l’état normal de l’homme civilisé. Le Bon Vieux et la Belle Enfant concentre en quelques dizaines de pages les principaux thèmes de La Conscience de Zeno. Voilà pourquoi la nouvelle peut être recommandée aux esprits paresseux que la lecture des longues confessions de Zeno rebuterait pour de bonnes ou de mauvaises raisons.

16:52 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : ironie, svevo

dimanche, 22 mai 2022

La Mafia vue par Bellocchio

Le Traître de Marco Bellocchio est un film-portrait autour de la figure de Tommaso Buscetta, mafieux repenti, qui a collaboré avec le juge Falcone et dénoncé ses anciens camarades de la Mafia. Le premier intérêt de ce film est l’exploration de la personnalité de Buscetta, qui se veut un homme d’honneur et un tenant de la vieille Mafia contre la nouvelle, mais qui a aussi sa part de culpabilité, de brutalité et de mégalomanie. Dans un monde de fous criminels comme les mafieux, le repenti ne devient pas un ange par la grâce de la repentance ; il ne peut être qu’un demi-rédempté.

Le second intérêt du film est de rappeler ou de montrer la réalité d’un milieu qui vit à la fois du crime et de son déni. Le défi côtoie le déni, la barbarie le mensonge, la tragédie la comédie. Ainsi les grands procès de la Mafia, que reconstitue le film, tournent-ils par moments au spectacle de cirque. L’outrance des postures ou des situations n’est pas qu’un effet de mise en scène ; elle correspond à un sens de la théâtralité que, par le goût de la provocation, cultivent les mafieux eux-mêmes. Il est donc permis, comme le fait Bellocchio, de recourir à des airs d’opéra pour clore des chapitres ou plutôt des actes du film.

23:32 Publié dans Kino | Lien permanent

samedi, 30 avril 2022

La sainteté pour soi-même

Une vie saine est une vie sainte pour soi.

14:57 Publié dans Sophia | Lien permanent | Tags : sentences

lundi, 04 avril 2022

Une fausse distance

La rupture entre deux êtres leur fait croire à une distance infranchissable qui peut n’être qu’une vue de l’esprit. Ils demeurent dans une proximité intérieure qu’entretiennent des souvenirs, des doutes ou des regrets.

10:07 Publié dans Eros | Lien permanent | Tags : sentences

mercredi, 30 mars 2022

Un excès de souffrance

L’amour excède généralement son objet et c’est de cet excès que vient la plus grande souffrance dans la rupture.

12:28 Publié dans Eros | Lien permanent | Tags : sentences

Un faux désastre

Que savait du désastre Cioran qui a pu compter sur la présence de sa compagne jusqu’au bout ?

11:51 Publié dans Faux-semblants | Lien permanent | Tags : cioran