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jeudi, 29 juin 2023

Un doute sans vertige n'est qu'un exercice spirituel

Maximes et Sentences de Gilles Sicart publiées aux éditions Portaparole.

https://portaparolefrance.com/boutique/nouveau/un-doute-s...

00:31 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : maximes, sentences, moralistes

vendredi, 23 juin 2023

Le Double Regard de Pascal sur le monde

L'article, qui rend hommage à Blaise Pascal (pour son quatre centième anniversaire), est à lire sur le site de la revue Mission.

https://www.revuemission.fr/le-double-regard-de-pascal-su...

00:17 Publié dans Philosophia | Lien permanent | Tags : pascal, machiavel, kierkegaard

jeudi, 04 mai 2023

Joubert, moraliste pour lui-même

Voilà un écrivain qui n’eût pas été connu sans Chateaubriand. Depuis la publication posthume d’un recueil de pensées par les soins de ce dernier, Joseph Joubert s’est établi dans l’histoire de la littérature comme un moraliste s’inscrivant dans la lignée de ses grands devanciers.

Pourtant, cette filiation ne va pas tout à fait de soi. Joubert ne voit pas le vice derrière la vertu comme La Rochefoucauld, ni la passion derrière la raison comme Vauvenargues, ni le règne de l’opinion derrière la règle sociale comme Chamfort.

Comme eux, il cherche néanmoins à saisir la vérité de l’être humain sans se conformer à un dogme ou à un principe. Il se défie de l’éloquence qui ne lui paraît bonne qu’à « répandre l’illusion sur les actions humaines ». Aussi préfère-t-il la simple notation au discours continu ou la formule frappante au long raisonnement, en considérant que « tout ce qui est exact est court. »

Sans cultiver le style du Grand Siècle, il lui arrive d’égaler Bossuet par le recours à une image poétique comme ici : « La mémoire est le miroir où nous contemplons les absents. » Il est aussi capable de forger des sentences morales dignes de La Rochefoucauld comme celle-ci : « La médisance est le soulagement de la malignité. »

Mieux que moraliste, Joubert se veut avant tout philosophe et commente aussi bien les Modernes que les Anciens, en dépit de ses préventions contre les Lumières. Il considère que la philosophie a sa muse comme les arts libéraux et qu’elle doit être exercée comme un art à part entière. Mais loin de vouloir demeurer dans le monde des idées, il subordonne la métaphysique à la morale ; en effet, si l’une a l’être pour objet, l’autre lui donne son sens.

Cela le conduit à être parfois plus moralisateur que moraliste. A ses yeux, la connaissance de la vérité doit servir à être meilleur. Il ne coupe pas la morale de la religion : sans Dieu, il ne peut y avoir de vérité morale ou, en tout cas, « une idée exacte de la morale ». Pourtant, il ne s’attache guère à distinguer comme d’autres moralistes la vertu véritable de ses apparences, même s’il a cette formule judicieuse : « Etre vertueux par calcul est la vertu du vice. »

Au demeurant, il oppose le cœur et l’esprit à la manière de Pascal. Mais dans son rapport au corps, il énonce des paradoxes qui ne le mettent pas très loin de Montaigne, lorsqu’il écrit par exemple qu’ « Il y a un degré de mauvaise santé qui rend heureux. » Dans le même esprit, il soutient que la vie et la santé ne sont pas une seule et même chose.

Joubert est donc un moraliste qui moralise, un diariste qui philosophe, un écrivain qui ne s’occupe que de penser. Son mérite est d’écrire sans vanité, avec le seul souci de la vérité ; mais sa limite est de n’être qu’un auteur de pensées.

21:45 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : moralistes

jeudi, 13 avril 2023

Chamfort ou la Misanthropie rieuse

Il est bien des contradictions ou des paradoxes chez Chamfort. Il cultive le bel esprit et il fustige les artifices de la civilisation. Il se trouve heureux dans la solitude et il reste convaincu que la société doit être refaite. Il embrasse les idées de la Révolution et il regrette la compagnie des gens de l’Ancien Régime.

Pour commencer, il pose un regard implacable sur la nature humaine qui l’inscrit dans la lignée de La Rochefoucauld : « Dans les grandes choses, les hommes se montrent comme il leur convient de se montrer ; dans les petites, ils se montrent comme ils sont. » Sans dénigrer la vertu, il se soucie de la vérité de la morale plus que de la morale de la vérité.

Il pousse le pessimisme moral assez loin en considérant que le genre humain, déjà mauvais par nature, est devenu plus mauvais encore avec la société. Ainsi pense-t-il que chaque être humain porte en lui plusieurs catégories de défauts tenant à l’humanité, à l’individu, à la classe ou au sexe, ces différentes strates de défauts ne faisant qu’augmenter avec l’âge.

Avec tout cela, comment ne pas être misanthrope ? Chamfort le reconnaît lui-même : « Il est presque impossible qu’un philosophe, qu’un poète ne soient pas misanthropes. » Et si le reste de l’humanité ne l’est pas, c’est qu’une faiblesse du caractère ou un défaut d’idées l’empêche tout simplement de l’être.

Chamfort partage avec Rousseau une misanthropie active et le rêve d’améliorer les institutions humaines. Bien que tenté par le retrait du monde, il sait la nécessité de la vie en société et souhaite que par l’action des hommes l’inégalité des conditions soit corrigée autant qu’il est possible.

Mais à la différence du sentimental Jean-Jacques, Chamfort a un penchant pour le rire qui s’exprime dans ses Maximes et Pensées comme dans ses Caractères qui viennent les compléter. Aussi noire que soit sa vision de l’humanité, il considère que « la plaisanterie doit faire justice de tous les travers des hommes et de la société. »

Sans doute est-ce dans le domaine qui appartient au libertin qu’il se montre le plus spirituel et non seulement le plus incisif. On lui doit cette fameuse sentence sur ce qui unit les êtres le temps d’une vie ou d’une nuit : « L’amour, tel qu’il existe dans la société, n’est que l’échange de deux fantaisies et le contact de deux épidermes. »

Dans le fond, Chamfort est assez peu fait pour l’esprit de sérieux qui caractérise les révolutionnaires. Il est certainement trop jouisseur – y compris de ses propres mots – pour n’être qu’un philosophe ; mais il est aussi trop moraliste pour être un véritable écrivain politique.

11:19 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : moralistes, chamfort, la rochefoucauld

mercredi, 05 avril 2023

L'Apprenti et le Sorcier

L'exposition Basquiat et Warhol à la fondation Cartier est présentée comme un événement. Mais de quel événement s'agit-il et à qui s'adresse-t-il, sinon aux faux amateurs d'art ? Des mondanités parisiennes ou transatlantiques y ont par trop leur part. Cette exposition aurait pu avoir pour titre : "La Fabrique de l'imposture" ou, mieux encore, "L’Apprenti et le Sorcier". Un apprenti à la peinture sommaire, enfantine et morbide, qui avait l'heur d'avoir des origines exotiques. Un sorcier dont la magie a consisté essentiellement à recycler les images de la modernité consumériste. Deux imposteurs à leur manière, qui étaient faits pour se rencontrer et travailler ensemble. Mais tandis que Basquiat – mort à vingt-sept ans – était encore un peintre en devenir (vers un mieux ou un plus grand pire peut-être), Warhol a atteint une forme de perfection dans l’imposture artistique. Tous deux ont disparu peu de temps après leur collaboration, comme si celle-ci avait entraîné la destruction de l’un et de l’autre.

12:07 Publié dans Jeu de massacre | Lien permanent

vendredi, 17 mars 2023

La Rochefoucauld ou le Ressentiment surmonté

Celui qui fut d’abord un homme de guerre passa par le hasard des circonstances des champs de bataille aux salons parisiens, dont celui de Madame de Sablé, et fréquenta ainsi les meilleurs esprits de son temps.

Sa participation à la Fronde lui valut de profondes blessures, la disgrâce publique et la destruction de son château (sur ordre de Mazarin). Il se tourna alors vers les lettres pour se venger de son infortune politique et régler quelques comptes avec le beau monde qui l’avait vu naître. Il donna d’abord des Mémoires qui eussent pu lui ouvrir les portes de l’Académie s’il n’avait fâché par des mots mordants jusqu’à ses propres amis, puis les fameuses Maximes qui consacrèrent l’ancien homme d’épée comme un grand homme de plume.

Avec ses sentences et maximes morales, La Rochefoucauld s’est attaqué à un genre antique en lui donnant une nouvelle vie et même une nouvelle orientation. Mieux que ses illustres devanciers, il a cherché à percer la vérité de l’être humain en deçà ou au-delà de la morale. Autrement dit, il s’est attaché à la vérité de la morale plus qu’à la morale de la vérité. Cette disposition d’esprit se retrouve dans l’exergue des Maximes : « Nos vertus ne sont, le plus souvent, que des vices déguisés. » Mais la démystification de la morale va jusqu’au constat que « Les vices entrent dans la composition des vertus comme les poisons entrent dans la composition des remèdes. »

Dès lors, une question doit être posée : que reste-t-il de la vertu chez La Rochefoucauld ? Si le vice est indissolublement lié à la vertu, il reste peu de chose de la vraie vertu parmi les vertus apparentes, proclamées ou supposées. Il n’est qu’une vertu rare qui relève d’une sorte d’héroïsme tranquille et dont seule est capable une humanité d’exception, avec cette difficulté supplémentaire – selon l’auteur des Maximes lui-même – qu’ « Il y a des héros en mal comme en bien. » Nietzsche, qui sera un grand lecteur de La Rochefoucauld, retiendra la leçon en voyant dans le criminel un homme fort placé dans des circonstances défavorables.

Mais en définitive, le destin de La Rochefoucauld est une leçon de vie et même une leçon de sagesse morale. Car si elles trahissent une vision assez noire de l’humanité, nourrie du reste par le jansénisme de l’époque, les Maximes sont aussi la preuve que la disgrâce peut être la voie de la rédemption ou, à tout le moins, d’une sublimation littéraire. A l’inverse de Bussy-Rabutin qui connut la défaveur royale et qui exprima sa rancœur dans des sentences moins sages qu’assassines, La Rochefoucauld est parvenu à surmonter son ressentiment en atteignant à la plus haute exigence morale et à la plus grande pénétration de l’esprit.

jeudi, 16 février 2023

De la civilisation à la décivilisation des mœurs

Nous savons au moins depuis la parution des œuvres de Norbert Elias que la civilisation est un processus et non seulement un état. A cet égard, La Civilisation des mœurs et La Société de cour demeurent des références indépassables.

Selon le grand sociologue allemand, l’histoire de l’Occident a été marquée, dès le bas Moyen Age, par un adoucissement progressif des mœurs grâce à la formation d’un monopole de la violence légitime entre les mains d’un Etat central et à l’établissement d’un code des bonnes manières.

La civilisation des mœurs n’est pas pour autant un processus à sens unique, suivant une logique irréversible et téléologique, puisqu’elle peut se retourner en un processus de décivilisation. Celui-ci se produit généralement en des temps tourmentés par une guerre civile ou une révolution de quelque nature qu’elle soit, y compris sous la forme durable d’un régime tyrannique.

La particularité de notre époque est que, sans révolution à proprement parler (même s’il existe à l’évidence une révolution des mentalités), les mœurs se dégradent au point qu’il n’est pas exagéré de parler d’une décivilisation rampante, sinon d’une barbarisation – même à bas bruit – au sens éliasien du terme (qu’il convient de réserver aux périodes de violence massive).

Cette décivilisation des mœurs se voit à travers toute une série de phénomènes distincts et néanmoins concomitants comme la dépréciation des valeurs classiques, l’appauvrissement de la langue écrite et parlée, la libération des émotions et la banalisation de l’impudeur ou encore la multiplication des cas de barbarie ordinaire.

Il se trouve naturellement des sophistes pour nier ou relativiser ces phénomènes en les inscrivant dans une histoire sociale longue, où l’expression d’une vitalité ou d’une violence spontanée, même sous le masque des rituels sociaux, serait une donnée permanente. En vérité, leur volonté de dénier toute forme d’affaissement ou de régression historique ne fait que les aveugler.

Il faut néanmoins reconnaître qu’une décivilisation des mœurs a de quoi surprendre en un temps où le mouvement de pacification sociale semble avoir atteint un point d’achèvement avec l’Etat de droit et les droits de l’homme. Mais la raison de ce paradoxe est peut-être à chercher dans ce qui, par comparaison avec les temps anciens, fait défaut aujourd’hui : l’autorité de l’Etat et le savoir-vivre.

L’autorité du droit ne suffit pas à assurer celle de l’Etat, et le vivre-ensemble ne remplace pas le savoir-vivre. Et ce d’autant moins qu’une dégradation des mœurs se produit parfois avec une tolérance coupable de la part de la société civile ou des autorités publiques contre toute idée de vie commune.

10:17 Publié dans Civilisation | Lien permanent | Tags : décivilisation, elias

lundi, 30 janvier 2023

La Phénoménologie de l'angoisse dans L'Eclipse d'Antonioni

Dès le générique, le ton est donné : une chanson légère au rythme endiablé des années 1960 cède la place à une musique atonale évoquant un carambolage. La discordance se poursuit en images : une longue scène silencieuse, de rupture en vérité, tout juste émaillée de quelques mots, se clôt par l’ouverture d’un rideau sur un château d'eau en forme de champignon atomique. L’étrangeté surgit après la banalité.

Le grand plasticien qu'est Antonioni fait de la philosophie en images dans un esprit assez proche de la phénoménologie, avec des regards ou des gestes plus qu'avec des mots. Mais son goût pour la peinture donne un traitement particulier du décor urbain qui tourne parfois à l'abstraction. Ainsi y a-t-il comme du Nicolas de Staël dans des plans cadrés sur des angles ou des pointes d’immeubles modernes.

Tout le film joue sur un perpétuel va-et-vient entre la quotidienneté absurde et néanmoins rassurante de la vie sociale et une angoisse sourde, profonde, de l'humanité, à la fois individuelle et collective. Depuis le Krach à la bourse de Rome jusqu’au risque de guerre atomique annoncé en caractères gras par L'Espresso, une menace plane sur un monde en crise qui est celle de l'anéantissement total.

00:14 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : antonioni, nicolas de staël

vendredi, 20 janvier 2023

La fin d'une grammaire commune

L'écriture dite « inclusive » repose fondamentalement sur une confusion du sexe et du genre grammatical. Celle-ci est entretenue par l'usage du mot « genre » dans le sens de « gender » qui est un effet de l'américanisation des esprits et qui fait désormais de la langue un enjeu idéologique. Et avec l'idéologie (l'histoire du XXe siècle l'a montré), il n'est pas de limite à la manipulation des mots et à la déformation de la langue.

A la différence d'autres précédents historiques, l'écriture inclusive n'est certes que la forme transgressive d'une grammaire alternative, mais avec tout de même ce résultat paradoxal (pour la prétendue inclusion) et désastreux (en pratique) qui est la fin d'une grammaire commune. Lorsque l'idéologie s'empare de la langue, la grammaire devient folle.

10:30 Publié dans Jeu de massacre | Lien permanent

mercredi, 04 janvier 2023

Une pensée pour Albert Camus

Que ce soit dans sa vie d’homme ou son œuvre d’écrivain, il est bien des idées, des images ou des leçons à retenir de lui. Un mot, pourtant, pourrait le résumer, c’est celui de gratitude. Au lieu de se laisser envahir par le ressentiment, Camus n’a jamais manqué une occasion de se montrer reconnaissant.

La reconnaissance, on la trouve au cœur de son œuvre où il rend hommage à ceux qui l’ont inspiré comme Jean Grenier (son ancien professeur de philosophie) dans L’Envers et l’Endroit, Kafka dans Le Mythe de Sisyphe ou encore Dostoïevski dans L’Homme révolté.

La reconnaissance, on la trouve aussi et surtout dans sa vie où, à des moments tout à fait essentiels sur le chemin de sa propre reconnaissance, il a cité ou mentionné tour à tour Gide, Malraux ou Montherlant.

La réception du Nobel de littérature fut, comme chacun sait, l’occasion de la gratitude exprimée à l’endroit de son ancien instituteur, Monsieur Germain, dans une lettre devenue fameuse par sa bouleversante simplicité, qui devrait être lue rituellement dans toutes les écoles de France.

Et que nous a laissé Camus après sa mort sinon le plus beau témoignage de reconnaissance qui soit, à l’égard d’un père, son propre père mort au champ d’honneur en 1914, dans ce roman posthume et désormais central parmi ses œuvres qu’est Le Premier Homme.

Au demeurant, s’il est un message à retenir de Camus, c’est celui qu’il a délivré dans son discours de Stockholm en 1957 et qui, avec l’évolution du monde (il faudrait plutôt parler de sa dégradation), est devenu comme un impératif moral pour toute l’humanité :

« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. »

Cette tâche dont parlait Camus est peut-être la plus belle expression de ce sentiment de gratitude qu’il se devait d’avoir, non seulement envers ses maîtres ou ses devanciers, mais aussi envers le monde qui l’a vu naître.

01:02 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : camus, dostoïevski, kafka, malraux, montherlant