Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 12 juillet 2021

Un libéralisme paradoxal

Que devient le libéralisme ? Il tourne paradoxalement au dirigisme. Du point de vue de l'orthodoxie libérale, un équilibre doit être trouvé entre l'autorité de l'Etat régalien et la responsabilité laissée aux individus. Mais nos Etats libéraux ont pris l’habitude de diriger les individus, y compris dans le domaine des mœurs ou de la vie privée, au lieu de les laisser décider de ce qui est bon pour eux. Au fond, le dirigisme économique a laissé la place à un dirigisme sociétal.

23:11 Publié dans Politie | Lien permanent | Tags : libéralisme

dimanche, 20 juin 2021

Tempêtes et naufrages

Le musée de la Vie romantique donne à voir l’évolution de la représentation de la tempête dans la peinture européenne de Rubens à Boudin, en passant par Vernet, Valenciennes, Isabey, Turner, Martin et Courbet. Cette évolution est marquée par trois moments clés qui sont aussi des tournants philosophiques ou politiques : la naissance du naufrage comme un genre se détachant de la peinture d’histoire au siècle des Lumières, la dramatisation du naufrage qui fait ressortir la toute-puissance de la nature à l’âge romantique et la sentimentalisation du naufrage à travers la figuration des victimes (influence du socialisme ou du catholicisme social ?) dans la seconde moitié du XIXe siècle.

D’une certaine façon, il y a trois registres ou trois genres en un pour le naufrage : le tragique, le dramatique et le pathétique. En tout cas, on voit bien que l’art de Joseph Vernet consiste à enfermer la mer dans un cadre classique, comparable au théâtre du même nom, tandis que Courbet ou Boudin font éclater ce cadre pour la représenter dans toute la matérialité de ses éléments (le grain, l’écume et l’écueil). De même, la place de l’homme qui reste minuscule dans le naufrage vu par Vernet, Isabey ou Garneray grandit jusqu’à devenir essentielle en éclipsant le phénomène naturel de la tempête comme chez Géricault, Feyen-Perrin ou Luminais. Un humanitarisme esthétisant finit par l’emporter sur l'esthétisation d'une nature déchaînée.

20:32 Publié dans Beaux-arts | Lien permanent | Tags : histoire de l'art

mercredi, 02 juin 2021

Un grand magasin de jouets

Le règne de l’artifice ne vient pas seulement de la multiplication des artefacts, mais aussi de la déconstruction des idées. Plus rien ne va de soi, donc plus rien n’est naturel. Tout est construit et donc déconstructible. La réalité ou la représentation sociale n’est plus qu’un Meccano auquel peuvent jouer les grandes personnes. La société est devenue un grand magasin de jouets symboliques.

01:00 Publié dans Civilisation | Lien permanent | Tags : déconstruction

mardi, 18 mai 2021

Une nouvelle ère du soupçon

Les méthodes de contrôle dans les transports publics disent tout de l’époque. Rien ou presque ne distingue les contrôleurs des voyageurs. Ils ont des uniformes à peine reconnaissables et se signalent au tout dernier moment avant leur intervention. Ils empruntent leurs méthodes à celles qu’ont en commun les policiers en civil et les voyous : ils agissent en bande et par surprise en recourant au guet-apens. Ainsi l’usager des transports publics se trouve-t-il virtuellement dans une double position inconfortable : celle du voyageur détroussable et du resquilleur cerné. La société civilisée a changé au point que le soupçon s’étend à tout le monde, y compris l’honnête citoyen. C’est une nouvelle ère du soupçon.

13:56 Publié dans Civilisation | Lien permanent

mercredi, 21 avril 2021

De la consolation comme médecine palliative

Etymologiquement, la consolation est un réconfort. Mais donne-t-elle de la force d’âme ou seulement un peu de confort moral ? C’est dans la défaite ou le désespoir qu’elle est nécessaire ; mais elle ne peut changer un caractère ou même retourner une situation. De fait, la consolation apaise plus qu’elle ne renforce ; elle soulage plus qu’elle ne soigne. En cela, elle s’apparente à la médecine palliative.

12:27 Publié dans Médication | Lien permanent

mardi, 02 mars 2021

Plaisir et impudeur

La libération du plaisir – notamment féminin – est une bonne chose en soi et n’a pas être mise en question. En revanche, la liberté du discours sur la sexualité ou simplement l’absence de retenue dans le discours participe de cette décivilisation des mœurs qui s’observe globalement. Ce qui devrait être réservé à l’intime ou, à tout le moins, à un espace circonscrit, est fièrement étalé et abondamment commenté sur la place publique.

La pudeur qui était regardée comme un progrès de la civilisation n’a plus cours et l’impudeur – même si on ne l’appelle plus ainsi – est vue comme progressiste (et, de fait, reconnue comme un nouveau droit). On en arrive même à ce paradoxe que la pudeur, qui était l’apanage des femmes, est devenue celui des hommes dans la mesure où la libération du discours sur le plaisir concerne essentiellement les femmes (l’asymétrie est tout à fait frappante sur ce point). En tout cas, liberté et pudeur pourraient aller de pair ; mais non, l’absence de limites dans le discours fait aller ensemble la liberté et l’indécence.

17:12 Publié dans Civilisation | Lien permanent | Tags : décivilisation

lundi, 08 février 2021

Ce que devient la correction politique

La nouvelle tendance de l’époque est une radicalisation de la correction politique. Ce qui pouvait être correct dans un sens proche de la politesse a laissé la place à l’expression incorrecte d’opinions libérales ou progressistes. Un radicalisme de type révolutionnaire l’a emporté sur un modérantisme progressiste. Il faut donc arrêter d’employer l’expression « politiquement correct », dont la douceur est contredite par des pratiques de moins en moins civiles.

13:16 Publié dans Politie | Lien permanent

mardi, 12 janvier 2021

Bacon ou la Peinture comme équarrissage

Francis Bacon est le peintre de la métamorphose, de la mutation des corps, de la transmutation des visages. De figurative, sa peinture se fait défigurative ou transfigurative. Ni surréaliste ni hyperréaliste, elle représente généralement un être déformé ou décharné selon une manière qui tient parfois de la radiographie (les portraits en transparence), mais qui, le plus souvent, se situe entre l’anatomie et le dépeçage.

En définitive, le monde selon Bacon est plus près de l’abattoir que du laboratoire, aussi effrayant parfois que la réalité de l’équarrissage, même si l’on n’y voit que des corps humains et non des carcasses d’animaux comme chez Soutine. Il touche par là au monstrueux plus qu’au merveilleux, à l’horrifique plus qu’au fantastique, et le spectateur indulgent cherche à en être fasciné, pour ne pas en être effrayé ou simplement dégoûté.

01:01 Publié dans Jeu de massacre | Lien permanent

mardi, 15 décembre 2020

De l'art de voyager à l'ère postmoderne

Nous voyageons et nous ne voyageons pas. Nous voyons des choses et nous ne les voyons pas. Nous ne voyons que l’extérieur des choses ou ce qu’il reste de leur passé glorieux. Par la force même des choses, les lieux ne nous échappent certes pas ; mais nous ne nous fions qu’à leurs apparences. Autrement dit, si nous voyageons, nous voyageons en surface et non en profondeur. Nous glissons sur les voies que nous empruntons ; même nos yeux finissent par glisser sur les murs que nous contemplons. Nous croyons pénétrer le sens d’un pays par ce qu’il a été au temps jadis ou par ce qu'il est et demeure aujourd'hui. L’absence de contact prolongé avec ses habitants n’est pas forcément en cause.

Dans L’Art de l’oisiveté, Hermann Hesse dit ce que doit être le voyage pour qu’il ne soit pas superficiel. Il évoque la fréquentation des habitants du pays visité et même le partage de leur vie quotidienne. Cette vision avait son sens en un temps où les populations n’étaient pas uniformisées par l’économie de marché et un mode de pensée mondialisé. Cela ne signifie pas qu’il reste seulement de beaux paysages à traverser ou des vieilles pierres à visiter ; mais cela relativise la fonction de découverte du voyage, d’autant que même la réalité physique du monde est ou peut être connue virtuellement, dans sa plus grande extension, de tous. Ce qui reste à découvrir se trouve donc hors des réseaux de communication classiques ou virtuels, sur des chemins secrets ou dans ce que cache la fausse transparence d’un monde globalisé.

17:14 Publié dans Faux-semblants | Lien permanent | Tags : hesse

jeudi, 22 octobre 2020

Altdorfer ou l'autonomisation du paysage

L'exposition consacrée à Altdorfer par le musée du Louvre, en partenariat avec l'Albertina, donne à voir surtout des dessins et des gravures du contemporain de Dürer. On peut y voir toute la maîtrise d’un peintre qui était avant tout un dessinateur de grand talent. La finesse du trait, la minutie apportée au détail et un certain sens de la dramaturgie donnent des œuvres délicates et frappantes comme sa série intitulée Chute et Rédemption de l’humanité.

Sans doute Altdorfer travaillait-il sous la double influence de Mantegna et de Dürer ; mais entre ces deux maîtres plus grands que lui, il est parvenu à suivre une voie originale faite de la recherche d’angles inédits et même hardis comme dans sa version de L’Annonce à Joachim ou encore son Annonciation, où l’archange Gabriel est vu de dos et non de profil.

Deux éléments caractérisent la manière d'Altdorfer : d’une part, la décentration des personnages et, en particulier, le recours à une ligne diagonale pour partager l’espace ; d’autre part, l’importance du paysage, qui, loin d’être seulement un décor, est un monde en soi, plus réel qu’idéalisé, qu’il soit habité ou non par des personnages, ce qui marque dans l’histoire de la peinture les débuts du paysage autonome.

Peu de tableaux sont présentés dans l’exposition et ceux qui le sont témoignent d’un certain archaïsme dans le choix des sujets ou leur traitement (hors de La Bataille de Charlemagne) ; mais la Crucifixion, avec des éléments gothiques ou archaïques (comme le fond d’or), est tout à fait remarquable par la multiplicité des personnages et les couleurs vives des drapés qui enveloppent ceux du premier plan. Elle offre une belle synthèse de la sensibilité germanique et des influences venues d’Italie. On pourrait également le dire de certaines œuvres de Dürer ; mais Altdorfer apporte une touche supplémentaire en ouvrant la voie à la démythification ou à la naturalisation de l’espace pictural.

14:09 Publié dans Beaux-arts | Lien permanent | Tags : histoire de l'art