samedi, 12 décembre 2009
Du bon mensonge
Mentir à des étrangers n’est pas immoral. Nous leur devons moins que tout la vérité sur nous-mêmes.
23:40 Publié dans Diplomatie | Lien permanent | Tags : maximes
vendredi, 30 octobre 2009
Des rivalités vénitiennes au Louvre
Une belle exposition temporaire qui, mettant en regard les grands peintres du XVIe siècle vénitien, fait ressortir les influences et différences entre eux. Titien apparaît comme le grand maître que les autres, Tintoret puis Véronèse, imitent avant de s’en démarquer. Il reste un maître incomparable pour le portrait de cour où il allie la finesse des traits à la magnificence des couleurs. Son œuvre demeure un modèle indépassable pour certains sujets comme la Vénus au miroir, même s’ils donnent lieu à de passionnantes variations du Tintoret et de Véronèse. Il est d’autres sujets néanmoins, comme les pèlerins d’Emmaüs, qui permettent à Véronèse de déployer tout son talent de peintre décorateur et d’égaler, sinon de dépasser, Titien par la richesse et la puissance du traitement.
Il faudrait encore mentionner les scènes du baptême du Christ ou de la solitude de saint Jérôme où les trois grands peintres rivalisent de mysticisme, sans que le plus mystique d’entre eux – Tintoret – l’emporte toujours, et celle du viol de Lucrèce par Tarquin, où ils se distinguent par l’accent mis sur la violence ou la sensualité. Mais il serait injuste de n’évoquer que les trois grands sans faire mention des autres peintres exposés, qu’il s’agisse de Giorgione, l’artiste théoricien de la peinture, ou Bassano, dont le double mérite tient à la remarquable technique du luminisme, préfigurant le clair-obscur, et à la promotion de l’animal comme sujet à part entière dans la peinture (Deux chiens de chassé liés à une souche).
00:31 Publié dans Beaux-arts | Lien permanent | Tags : tintoret, histoire de l'art
samedi, 12 septembre 2009
Art et Puissance
L’histoire des arts a des liens étroits avec celle de la puissance, particulièrement pour la peinture. La peinture serait-elle plus que la musique l’art des puissants ? L’art des puissants ou l’art de la prospérité : songeons en particulier à la peinture italienne ou à la flamande, puis à l’hollandaise. A la fin du XVIIIe siècle, une grande peinture anglaise est née avec la révolution industrielle. Au début du XXe siècle, le retour de l’Allemagne au premier plan en peinture a coïncidé avec l’apogée de sa puissance industrielle. Et que dire de la peinture américaine après 1945 ?
23:00 Publié dans Beaux-arts | Lien permanent | Tags : histoire de l'art
lundi, 25 mai 2009
La Métaphysique antiquisante de Giorgio De Chirico
De Chirico est « l’animateur de la centrale d’énergie métaphysique », selon le mot de Paul Guilhaume. La métaphysique renvoie ici, non à un autre monde, mais à une autre réalité, se situant entre le rêve et la convalescence. La peinture est seulement le moyen de son dévoilement.
Très tôt, la métaphysique de De Chirico trouve son lieu symbolique : une vaste place entouré de portiques avec en son centre une statue représentant à l’antique un personnage allongé dans une lumière post-méridienne (La Méditation ou la méditation automnale, 1912). Cette peinture dite métaphysique est née de la rencontre de la poésie d’Apollinaire avec la nostalgie de l’Italie renaissante (et, spécialement, de la « ville carrée » de Ferrare).
Il y a chez De Chirico à la fois de la transparence et du mystère. Certaines de ses œuvres se présentent même comme des énigmes à résoudre. Ainsi L’Enigme de l’horloge (1911) : l’heure indiquée par l’horloge correspond-elle à la lumière du jour ? De même, L’Enigme d’un jour (1914) : l’homme vu de dos dressé sur un piédestal est-il un personnage vivant ou une statue ? D’autres tableaux ont l’apparence d’un casse-tête à l’image du bric-à-brac d’Intérieur métaphysique (une grande usine), qui peut se comprendre d’une façon proprement surréaliste comme le rêve d’usine d’un atelier. Chez De Chirico, le mystère tient principalement dans le rapport de l'être avec le temps.
Arrive le tournant du classicisme dès les années 1920. Des correspondances poétiques ou symboliques apparaissent entre De Chirico et Magritte, qu’il s’agisse des Jeux terribles (1925), où un mannequin assis portant un amas de jouets rappelle L’Art de la conversation, ou encore de la série sur les bains mystérieux, dont les personnages figés paraissent sortir de l’univers du maître belge du surréalisme. L’humanité est statufiée à la ressemblance des dieux antiques.
Il est encore pour De Chirico une autre manière d’être classique, qu’il ne cessera de reprendre par la suite, en se considérant lui-même comme un classique et en s’imitant lui-même ou en revisitant sa première peinture métaphysique. Une évolution se dessine néanmoins à travers la présence de mannequins qui remplacent les modèles et éclipsent les statues. Ces mannequins reproduisent les gestes des hommes (La Comédie et la Tragédie, 1926) ou contemplent un tableau représentant un paysage dans une belle inversion symbolique entre artifice et nature (Le Peintre paysagiste, 1930).
Le néo-classicisme de De Chirico est à chercher du côté des paysages, des natures mortes et surtout des autoportraits peints à la manière des grands maîtres. Une belle série datant des années 1940 montre le peintre dans une posture aristocratique sous une lumière et des couleurs tour à tour florentines, vénitiennes et flamandes. Il pousse sinistrement l’autoportrait jusqu’à la représentation posthume de lui-même sous des traits cireux ou cendrés. Tout cela en dit long à la fois sur les explorations désespérées et les obsessions mortifères du peintre.
Après cette mort symbolique, De Chirico ne peut que renaître à lui-même, en revenant à sa première manière. Il reprend les œuvres de sa période métaphysique en y apportant de nouvelles touches, témoins d’une vie longue. Il propose de nouvelles séries sur les places d’Italie, les mannequins et les bains mystérieux, parfois en croisant ces différents thèmes. On pourrait dire qu’à vouloir désacraliser l’art par la duplication ou la démultiplication, il est tombé dans une nouvelle fétichisation de l’art (le travers de Warhol). En vérité, l’artiste est à la recherche d’une synthèse de son art.
Comme à la fin d’une odyssée, De Chirico en vient à représenter son parcours artistique sous les traits d’un nouvel Ulysse faisant de la barque dans sa chambre et allant d’un vieux tableau peint par lui-même à une fenêtre ouverte sur un temple antique (Le Retour d’Ulysse, 1968). Ce qui conduit à penser que la métaphysique de De Chirico est au fond, comme chez Heidegger, une nostalgie de l'Etre parménidien.
12:01 Publié dans Beaux-arts | Lien permanent | Tags : de chirico, magritte, heidegger
mardi, 21 avril 2009
Le Triomphe de la muflerie
Flaubert prophétisait que la muflerie triompherait avec la démocratie. Les lieux publics de nos villes sont devenus le territoire de ces nouveaux mufles qui se permettent tout, parlent fort, rient grassement et écoutent de la musique à tue-tête. On dira que ce phénomène, lié au manque de savoir-vivre, n’est pas nouveau. Il comporte pourtant une nouveauté de taille : il se généralise à tous les lieux publics alors qu’il se limitait autrefois à certains d’entre eux. Les mufles, qui ont augmenté en nombre, ont aussi étendu leur territoire.
17:49 Publié dans Civilisation | Lien permanent | Tags : flaubert, décivilisation
jeudi, 12 mars 2009
De la nature du deuil
Le deuil est une question de géographie – de l’âme ou du cœur s’entend. Une géographie dont le moi est le centre. C’est dans le deuil que le mot proche prend tout son sens.
21:01 Publié dans Ultima ratio | Lien permanent
mardi, 10 mars 2009
Des idéologies concurrentes
Le fascisme est un socialisme. Un socialisme avec un esprit de droite sans doute, mais un socialisme tout de même. On comprend pourquoi les socialistes ou les communistes ont été les premiers adversaires des fascistes : ils les regardaient comme des concurrents déloyaux.
14:45 Publié dans Politie | Lien permanent
samedi, 24 janvier 2009
Un coefficient multiplicateur de barbarie
La civilisation n’a pas seulement rendu possible la plus grande barbarie, elle a été un coefficient multiplicateur de barbarie. La plus grande barbarie n’a pu être possible qu’avec les moyens de la plus grande civilisation.
13:25 Publié dans Civilisation | Lien permanent
vendredi, 08 août 2008
Chardonne, plus moraliste que romancier
Les romans de Chardonne contiennent toujours des phrases qui sont des réflexions ou des sentences morales. Il suffirait de mettre les unes et les autres bout à bout pour en faire, mieux qu'une œuvre à part entière, un traité de morale pratique. Du reste, Chardonne s'est essayé à le faire lui-même en recueillant des pensées inédites ou extraites de ses livres précédents dans L’Amour, c’est beaucoup plus que l’amour. On trouve dans cette œuvre fragmentaire et néanmoins délicate, parfois même poétique, de jolis mots sur l'amour, la vie et la sagesse. Ces trois thèmes ou au moins deux d'entre eux peuvent être réunis en un paragraphe unique comme ici : « Pour être heureux par l'amour, il faut une certaine sagesse ; il faut aussi une certaine sagesse pour se passer de l'amour. C'est la même. »
De tous les livres de Chardonne, il s'en trouve pourtant un qui tient à la fois du récit et du recueil. Eva ou le Journal interrompu est, plus qu’un roman, un journal de pensées. Par endroits, il ressemble à un petit traité sur le style. On y lit par exemple cet avertissement que Chardonne, adepte du dépouillement, paraît s’adresser à lui-même : « Enoncer trop simplement ses idées risque de les faire passer pour négligeables. C’est une faute de style. » Il recommande pourtant « ce style modeste et strict, qui seul conserve à travers les âges une pensée vive ». Mais le roman contient aussi des réflexions morales au détour d'une considération sur l'écriture : « Il ne faut pas juger l’homme sur ses écrits désespérés. En fait, la vie est assez plate et nous sommes tous à peu près heureux, sauf quelques malades. » Eva dépasse Claire ou Les Destinées sentimentales pour la sagesse de l'amour et égale parfois L'Amour, c'est beaucoup plus que l'amour pour l'amour de la sagesse.
15:21 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : chardonne, moralistes
mardi, 15 juillet 2008
Quignard, prophète d'un passé perdu
Les Paradisiaques forment le quatrième volume de ce cycle sans fin possible, semblable à aucun autre, qu’est Le Dernier Royaume. Une œuvre totale plus qu’une œuvre fragmentaire, où l’aphorisme voisine avec le poème, le conte avec le commentaire, et dont l’objet principal est la quête de ce Premier Royaume qui a tout précédé. Quignard part de quelques intuitions empruntées à d’autres qu’il fait siennes en les développant magnifiquement : un Jadis a existé avant le temps (saint Bernard) ; la ressemblance n’existe pas en soi (Lévi-Strauss) ; la littérature s’adresse à la voix de gorge (Malraux). A ces intuitions, il en ajoute d’autres : l’eau nous relie au premier monde ; le monde interne se développe dans un autre monde ; les lieux nous déterminent plus que les gens ; et de tout cela, il fait une belle vision du monde et une œuvre unique. Mieux, il se fait le prophète d'un passé perdu.
20:48 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : quignard, saint bernard, lévi-strauss, malraux