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mardi, 27 décembre 2005

Que reste-t-il ?

La mort est un argument contre la vie, l’ennui contre l’éternité, le mal contre Dieu. Que reste-t-il ?

15:36 Publié dans Philosophia | Lien permanent

lundi, 19 décembre 2005

La vaine espérance de Kojève

Le coup de maître de Kojève, dans son interprétation de la dialectique du maître et de l’esclave, est d’avoir rehaussé le rôle de la mort. Pour Hegel, le maître se distingue de l’esclave par le risque de la mort qu’il accepte dans la lutte pour la reconnaissance de soi. A contrario, l’esclave renonce à cette lutte et se soumet à la souveraineté du maître qui implique néanmoins une dépendance réciproque entre l'un et l'autre. Kojève, pour sa part, insiste sur l’angoisse de la mort qui saisit l’esclave sous la domination du maître.

Pour Kojève, la crainte de la mort fait de l’homme un rebelle au monde, qu’il regarde comme fondamentalement hostile. Cette rébellion atteint un point critique chez l’esclave sur qui pèse non seulement l’ordre du monde, mais encore l’ordre du maître qui redouble son angoisse de la mort. Quand l’esclave n’accepte au fond aucun de ces deux ordres, le maître s’appuie sur l’ordre du monde (dominé par la crainte de la mort) pour asseoir son propre pouvoir. En conséquence, il se lie au monde qu’il ne peut vouloir ni subvertir ni dépasser. A contrario, l’esclave reste libre vis-à-vis du monde qu’il rejette tout en le redoutant. Lui seul peut donc reprendre la lutte pour la reconnaissance de soi qui signifiera aussi la fin des rapports entre maître et esclave.

Que répliquer à Kojève ? L’angoisse de la mort ultimement laisse le choix entre deux nihilismes : la destruction ou l’autodestruction - la destruction du monde par la volonté de le transformer ou la destruction de soi dans l’impuissance à transformer le monde. Il ne reste donc à l’esclave qu’à dominer son angoisse pour faire triompher le premier nihilisme sans succomber au second. S'il semble assez armé pour cela, c’est en raison de son ressentiment qui est une force secrète et qui peut le faire maître demain. Kojève ne voulait ni ne pouvait admettre que l’ancien esclave devînt un nouveau maître.

17:00 Publié dans Philosophia | Lien permanent

dimanche, 18 décembre 2005

Du sens de l'histoire en littérature

Y a-t-il un sens de l’histoire en littérature comme en politique ? Morand était-il inscrit dans Stendhal ? Et Stendhal dans Laclos ou Voltaire ? En tout cas, les Hussards qui ont établi leur propre généalogie (pendant que les représentants du Nouveau Roman établissaient la leur) semblaient le croire, si éloignés qu’ils étaient pourtant de Hegel et de Marx. Sauf que pour eux, les Nimier et Laurent, du fait de leur appartenance à la gent réactionnaire, il ne pouvait y avoir un déploiement, mais un renouvellement ou un épuisement du sens, témoignant de sa permanence ou de sa perte.

17:27 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : stendhal, morand, hussards

vendredi, 16 décembre 2005

Carpe diem (2)

Le carpe diem aussi est une philosophie de la consolation : il console de l’avenir quand la religion console du présent.

12:25 Publié dans Philosophia | Lien permanent | Tags : sentences, carpe diem

jeudi, 08 décembre 2005

Constable, entre romantisme et réalisme

Constable est le peintre du vrai, le père du vérisme en peinture. Longtemps mythifiée ou idéalisée, la nature devient naturelle avec lui. Les champs cultivés remplacent les forêts ou les rochers antiques. Les ciels auparavant sereins, ou faussement tourmentés, se chargent d'épais nuages et d'incertaines menaces. L'empyrée s'épaissit tout en se vidant. L'horizon s'élargit tout en se limitant. Ce n'est pas l'invention du paysage, mais la découverte du paysage naturel, laissé à lui-même ou à l'homme, livré à l'orage et à la charrue, déserté par les dieux et les légendes.

Avant Constable, les Hollandais, Hobbema ou les frères Ruysdael, avaient sans doute mis le paysage à l'honneur, mais en faisant ressortir l’arrière plan des fêtes et des foires flamandes ; c'était seulement la fin du folklore paysan, pas encore le sacre de la nature. Avec Constable, la nature devient le sujet principal, le paysage devient le portrait du peintre romantique. Mais le romantisme porte déjà en lui le ressort de son dépassement : la recherche de la vérité vraie sape les fondements du romantisme artistique ; le rêve ou la mélancolie d'une nature émancipée, redevenue elle-même, se réfugie dans la vérité positive, dans une vérité scientifique qui nie la rêverie. Comme une fatalité, le réalisme succédera au romantisme.

23:15 Publié dans Beaux-arts | Lien permanent | Tags : histoire de l'art

mercredi, 07 décembre 2005

La Révolution française vue par Rohmer

L'Anglaise et le duc est un film à deux voix, un film dialectique sur la Révolution. On y trouve, comme dans toute bonne dialectique, une thèse, une antithèse et une synthèse. Cette dernière fait pencher le film du côté de la contre-révolution, mais d'une manière habile, élégante, impressionniste, c'est-à-dire à la manière de Rohmer. Car Rohmer est moraliste, et l'impressionnisme est en art ce qui correspond le mieux à l'esprit des moralistes.

Il y a deux niveaux de critique de la Révolution française dans L'Anglaise et le duc. Le premier niveau de critique, subjectif, est incarné par l'Anglaise dont le point de vue sur la Révolution, mais aussi sur le peuple, est épidermique, réactionnaire (le peuple est regardé comme barbare, comparé à l’animalité, et la Révolution vécue comme une fin de la civilisation).

Le second niveau de critique, plus objectif, se trouve démonstrativement dans le parcours et le sort même du duc. La liberté est étouffée par la Révolution. Partant, la question de la légitimité de la Révolution est posée dans la mesure où la liberté politique aurait pu advenir au moyen d'une simple réforme de la monarchie – qui était l'idée originelle du duc. Ce point de vue correspond assez à celui de Burke, libéral et contre-révolutionnaire.

01:28 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : rohmer

jeudi, 01 décembre 2005

La démocratie dans les alcôves

Pour nos modernes professeurs de morale, il n’est qu’une seule limite à la liberté sexuelle : le consentement mutuel. L'expression "entre adultes consentants" est le nouveau credo que tout le monde connaît par cœur. Autrement dit, tout est possible à condition d’en avoir la permission. Cette plaisante conception de la liberté se trouve déjà chez Chamfort : "Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi ni à personne : voilà, je crois, toute la morale." C’est l’introduction de la démocratie dans les alcôves. Le siècle des Lumières a décidément pensé à tout.

10:30 Publié dans Eros | Lien permanent | Tags : moralistes, chamfort

mardi, 29 novembre 2005

Une limite raisonnable

La liberté de faire l’amour s’arrête là où commence la migraine de l’autre.

10:20 Publié dans Eros | Lien permanent | Tags : maximes, sentences

lundi, 28 novembre 2005

Le Mystère Monsù Desiderio

Les tableaux de Monsù Desiderio ne sont pas seulement de belles marqueteries à contempler. Il y a de la métaphysique derrière cette physique toute baroque, de l'ésotérisme encore à percer derrière cet esthétisme très daté. Ce monde-là, comme celui de Piranèse qu'il annonce, est entre la rêverie et le cauchemar, la vision et la prophétie, et la question reste ouverte sur les intentions, métaphysiques ou politiques, de ces deux peintres qui n'en font qu'un, ajoutant ainsi du mystère au mystère. Bref, c'est le mystère fait art.

jeudi, 17 novembre 2005

La Fausse Sérénité de Magritte

L’œuvre de Magritte, qui dénonce la fiction de la représentation, est elle-même trompeuse. La fixité de son style fait croire à une immobilité de l’esprit comme son ironie à une sérénité profonde. Dès le départ, il est vrai, apparaissent les dominantes de sa peinture : pureté des lignes et des couleurs, étrangeté des situations, éloquence des titres, obsession du bleu horizon, omniprésence des nuages. La dynamique de l’œuvre de Magritte, il ne faut pas la chercher comme pour la plupart des peintres dans une diachronie, mais dans une synchronie. C’est un mouvement permanent qui la commande et qui alternativement met la réalité au bord du rêve et le rêve au bord du cauchemar.

L’étrangeté, faussement tranquille, peut devenir inquiétante. En vérité, la menace n’est jamais loin. Elle apparaît évidemment dans La Bataille de l’Argonne qui doit être rapprochée de La Vie ordinaire : dans un cas, un nuage et un rocher placés parallèlement surplombent un paysage campagnard endormi ; dans l’autre, le rocher est placé au-dessus du nuage qui le cache d’une boule argentée symbolisant la fleur chez Magritte. La menace est réduite à sa plus simple expression dans La Malédiction où elle prend la forme d’un unique cumulus. Généralement, elle apparaît dans un contraste entre l’azur et la nuée, mais aussi dans une double temporalité, entre la permanence et la finitude. Même figée dans le marbre, la beauté du monde toujours est menacée : un nuage n’est jamais loin d’un buste de femme à l’antique. Insaisissable et flottant comme un nuage, le temps devient lourd et écrasant comme la pierre dont est faite une pyramide de lettres (L’Art de la conversation IV) ou une chaise monumentale où repose une petite chaise en bois (La Légende des siècles).

L’insolite néanmoins l’emporte sur l’inquiétant, qu’il prenne la forme d’un visage caché par une pomme (Le Fils de l’homme) ou d’une pluie d’hommes au chapeau melon (Golconde). Même sous la nuée menaçante, le monde peut s’irréaliser en se dédoublant comme dans L’Empire des lumières, où un ciel de jour se superpose à un paysage de nuit éclairé par un lampadaire de ville. D’une manière plus éclatante encore, l’imaginaire triomphe du réel dans Le Château des Pyrénées, qui couronne un rocher en lévitation au-dessus de la mer et qui logiquement, tout comme les châteaux construits en Espagne qu’il symbolise, pourrait avoir pour sous-titre : le rêve plus fort que la mort. C’est ce qui fait de Magritte, en dernière analyse, un peintre profondément surréaliste. Au fond, un poète plus qu’un métaphysicien.

12:50 Publié dans Beaux-arts | Lien permanent | Tags : magritte