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jeudi, 31 août 2017

Chef d'orchestre ou compositeur

Un réalisateur qui ne fait pas tout ressemble plus à un chef d’orchestre qu’à un compositeur.

01:05 Publié dans Kino | Lien permanent

jeudi, 06 juillet 2017

L'Adieu de Zweig au monde

Le film de Maria Schrader - Stefan Zweig, adieu l'Europe - donne à voir quatre moments de l’exil de l’écrivain, qui oscille entre détachement et nostalgie, ironie et mélancolie, jusqu’à l’épilogue universellement connu. Toute la subtilité du film est de montrer, derrière ces oscillations et malgré l’attachement à une nouvelle terre – le Brésil –, le lent et presque imperceptible effondrement de Zweig. Il se voit en creux ou fugitivement, dans un geste, un regard ou encore le reflet d’une vitre de voiture où passe un feu de broussailles comme une vision de la guerre lointaine.

On est agréablement surpris par la forme d’un film, qui, avec son sujet, avait tout pour tomber dans l’ordinaire ou le déjà vu. On retient de belles choses : le plan fixe de l’ouverture ou celui de l’épilogue, divisé en champ et contrechamp par le miroir d’une armoire, ou encore ce diptyque visuel où, dans un appartement new-yorkais, Zweig et son ex-femme semblent abattus sans se regarder. L’image d’un couple qui s’est défait dans un monde lui-même en train de se défaire et qui, pour cette raison même, ne peut se reformer.

01:18 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : zweig

dimanche, 18 juin 2017

Le Retour de Schlöndorff

Retour à Montauk ou comment rattraper le temps perdu. Tel pourrait être le sous-titre de ce film de Volker Schlöndorff qui met en scène un écrivain au double nom symbolique – Max Zorn cherchant à faire revivre un amour passé, lequel restera toutefois fantomatique. Ce qui aurait pu être ne sera jamais. Morale douce-amère d’une histoire qui pourrait avoir été empruntée à la vie de Max Frisch ou à celle de son ami, Schlöndorff lui-même. Mais il ne s’agit peut-être pas tant d’un film-testament que d’une œuvre de regret servant à sublimer des blessures secrètes ou des insatisfactions jamais surmontées. En tout cas, la forme est belle, lumineuse, d’un romantisme qui rappelle parfois celui de Caspar Friedrich (les images de bord de mer), et elle tranche avec la fadeur des derniers films de Schlöndorff.

01:14 Publié dans Kino | Lien permanent

dimanche, 09 avril 2017

Pulsions ou comment De Palma réinterprète Hitchcock

S'il ne cesse de rendre hommage à Hitchcock dans ses films, Brian De Palma s'est essayé dans Pulsions (un de ses meilleurs films, sorti aux Etats-Unis en 1980) à une réinterprétation de deux scènes emblématiques de l'œuvre hitchcockienne.

1) La scène du musée rappelle celle de Vertigo, mais dans une version dilatée et déployée au gré de l’imagination de De Palma (retenir l’image d’une scène dépliée). Ainsi tourne-t-elle au jeu du chat et de la souris (avec l’appât du gant perdu) dans les salles d’art moderne et contemporain du musée, avant de prendre un autre tour, plus labyrinthique, de remontée dans le temps à travers les salles des collections classiques et renaissantes. Ce qui n’était qu’un jeu banal de la séduction devient alors une quête éperdue et angoissée du désir, comme si la femme cherchait à retrouver dans un passé symbolique l’espoir d’amour qu’elle a perdu. Cette quête, après un échec apparent, finira par aboutir un peu plus tard, mais pour le malheur de la femme.

2) La scène de la douche est conçue comme une reprise de celle de Psychose, non en la décalquant, mais en la décomposant pour mieux la recomposer. De Palma semble avoir voulu laisser une chance à la femme de se défendre (comparable à celle laissée au taureau dans une corrida), ce qui se manifeste chez elle par la recherche, ne serait-ce que du regard, d’une arme par destination. Elle croit l’avoir trouvée dans le rasoir rangé dans une armoire à glace qui répond à celui du tueur ; mais acculée ou condamnée, elle ne parvient pas à l’atteindre et n’échappe pas au fatal égorgement. Lequel est cependant suivi du réveil soudain de la femme, qui était donc la proie d’un cauchemar. Dans l’esprit du réalisateur, il s’agissait manifestement de se livrer à une décomposition-recomposition de la scène mythique de la douche, mais aussi à un jeu d’hypothèses quasiment abstrait, comme s’il avait voulu démontrer que la femme placée dans cette situation ne pouvait pas se sauver.

Par finir, que diraient aujourd’hui d’un tel film les tenants du « politiquement correct » ? On y voit tout de même une femme adultère punitivement lacérée de coups de rasoir et un tueur psychopathe sous les traits d’un psychiatre travesti, potentiellement transgenre. Ce film n’eût pas manqué de créer une polémique s’il était sorti de nos jours.

23:00 Publié dans Kino | Lien permanent

vendredi, 10 février 2017

Ce que Silence dit de Scorsese

Le sujet du dernier film de Scorsese - Silence - est emprunté au roman éponyme de Shûsaku Endô : la persécution des chrétiens dans le Japon du XVIIe siècle et l’obligation d’apostasie imposée même aux prêtres évangélisateurs, acculés à devenir comme des marranes chrétiens.

Scorsese prend ce détour exotique et historique pour traiter les thèmes qui lui sont chers comme la violence originelle, la solitude au sein du groupe et la rédemption par la souffrance. Mais à travers le martyre des missionnaires portugais et des autochtones convertis dans le Japon des Shoguns, il reprend et illustre aussi tous les dilemmes du christianisme : le doute ou la prière, la parole ou le silence, le sacrifice de soi ou le sacrifice de la foi.

A ces dilemmes se joint ou se superpose l’opposition de l’universel et du particulier, avec les enjeux de l’évangélisation du monde (au nom de la vérité du Christ), d’un côté, et la préservation des identités religieuses ou culturelles (comme la religion de la nature des Japonais), de l’autre. C’est sans doute parce que Scorsese n’a jamais traité aussi explicitement, aussi frontalement ces questions qu’il atteint ici à une forme d’épure cinématographique, loin de son rythme et de ses effets habituels.

Silence s’inscrit parmi les grands films religieux ou chrétiens, à tout le moins, de l’histoire du cinéma.

22:27 Publié dans Kino | Lien permanent

lundi, 22 juin 2015

Antonioni, peintre autant que cinéaste

Le fil conducteur de l’exposition de la Cinémathèque est Antonioni dans ses rapports avec la peinture. Une phrase du maître reproduite sur la première cimaise dit tout du grand projet antonionien : « Je crois qu’il importe aujourd’hui que le cinéma se tourne vers cette forme intérieure, vers ces expressions absolument libres comme est libre la littérature, comme est le libre la peinture qui parvient à l’abstraction. » Le dernier point de comparaison est essentiel. Antonioni est avant tout un plasticien, et pas seulement au cinéma, puisqu’il était également peintre, ce que montre bien l’exposition à travers la série des « Montagnes enchantées » notamment.

C’est par cette dimension plastique que l’on touche à la puissance et à la singularité de son œuvre. Car Antonioni ne s’est pas contenté de peindre ou de faire des fresques comme Fellini ou Visconti ; il a fait de l’image elle-même, non seulement sa matière première, mais encore l’objet d’une quête fondamentale, comme la recherche d’une vérité ou d’une forme sans représentation. Ainsi a-t-il rejoint par la voie du cinéma l’abstraction picturale et réussi à transposer celle-ci au cinéma comme peuvent en témoigner certains plans de sa trilogie en noir et blanc des années 1960 et, tout particulièrement, son dernier volet, L’Eclipse.

Il y avait également chez lui une tension entre la visée d’une intemporalité intérieure et le souci d’une temporalité historique (la pauvreté paysanne, la menace atomique, les ravages de l’industrie chimique, le Swinging London, l’Amérique de la Contestation). Ce souci a suivi tout le long de son œuvre une courbe irrégulière qui a toutefois atteint son point culminant au tournant des années 1960-70, avec Zabriskie Point. Peut-être n’a-t-il réussi à s’en libérer que sur le tard pour arriver à une pureté plastique coïncidant avec une authentique vérité intérieure, dans Identification d’une femme ou Par-delà les nuages.

01:18 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : antonioni

vendredi, 13 mars 2015

De la conquête à la clôture du Far-West

L’Homme qui n’a pas d’étoile de King Vidor est un western lumineux et riche dans la composition duquel entrent plusieurs ingrédients, dont la comédie, la chanson et l’érotisme (pour l’époque) ; mais ce n’est pas par ces trois ingrédients qu’il est le plus intéressant. L’intérêt du film réside surtout dans l’exemplarité morale d’un aîné vis-à-vis d’un plus jeune (les rapports entre Kirk Douglas et William Campbell) et la transformation de l’Ouest sauvage en espace clôturé. A la nostalgie de l’open range, qui est l’espace de la liberté primitive, se joint l’acceptation raisonnée de la clôture qui symbolise la civilisation moderne.

Le personnage principal incarné par Douglas – celui qui n’a pas d’étoile, c’est-à-dire pas de point fixe – exprime cette double position tout à fait déchirante (qui reflète le conservatisme contrarié de Vidor) : alors même qu’il déteste physiquement comme symboliquement les clôtures, il finit par les défendre contre l’esprit de conquête des grands propriétaires et les empiètements de leurs hommes de main. Le film marque ainsi la fin de la conquête de l’Ouest et l’entrée dans la modernité économique.

11:26 Publié dans Kino | Lien permanent

lundi, 09 mars 2015

Trois hommes de bien au milieu du chaos

Trois personnages dominent ce western classique et néanmoins complexe qu'est L’Homme aux colts d’or d’Edward Dmytryk : le mercenaire ou prévôt (Henry Fonda) payé par une petite ville pour la protéger contre une bande de forbans, le tenancier d’un saloon (Anthony Quinn) qui est son ami et qui le protège voire le seconde, le shérif suppléant (Richard Widmark) qui est un ancien forban et qui doit tenir tête au chef de la bande comme au prévôt pour faire triompher le droit.

Les trois hommes qui ont une face sombre ou un passé trouble défendent voire représentent une certaine idée du bien. Mieux encore, leur destin est celui d'une rédemption ou d'un sacrifice. La rédemption est d’abord celle de l’ancien forban devenu shérif par dégoût de la lâcheté et de l’injustice. C’est également celle du mercenaire que meut l’intérêt, mais aussi le courage et l’amitié, et qui finalement, dans un geste magnifique (le jet des colts d’or), renonce au mercenariat. Reste le troisième homme qui, sous des dehors cyniques, incarne à sa façon le sacrifice puisqu’il a consacré sa vie à la dévotion et à la protection de son ami.

L’amitié est un des grands thèmes du film qui est traité sur un mode ambigu ou simplement extrême. A cet égard, la douleur profonde et la quasi-démence (voir l’incendie volontaire du saloon) dans lesquelles la mort de son ami plonge le personnage joué par Fonda impressionnent et interrogent (quelle était donc l’origine ou la nature de cette amitié aussi forte ?). L’autre grand thème est évidemment celui du droit et de la justice. Le personnage joué par Widmark, avec ses doutes et ses faiblesses, symbolise à merveille l’avènement difficile du droit dans le Far West. Mais l’Etat de droit triomphe finalement du désordre, de l’injustice et de la justice privée. C’est aussi cela que montre ce grand western.

11:16 Publié dans Kino | Lien permanent

mardi, 03 février 2015

La Nuit nous appartient ou le Retour du fils prodigue

La Nuit nous appartient de James Gray est un film qui se situe entre Scorsese et Cimino. Trois hommes appartenant à la communauté polono-américaine de New York dans les années 1980 : un père policier et ses deux fils, l’un également policier, l’autre tenancier trouble de boîte de nuit. Une tentative d’assassinat contre le bon fils, puis la mort du père rédemptent le mauvais fils.

Tous les ingrédients du grand cinéma américain sont réunis ici : la division de la famille, la lutte entre le bien et le mal, la vengeance et la rédemption. Ce qui constitue le fond commun aux deux genres typiquement américains que sont le western et le polar (ou le film noir). Les grands espaces extérieurs sont seulement remplacés par de grands espaces confinés, aux sublimes lumières mordorées. La belle musique de Kilar, qui s’apparente par la polonité et les sonorités à celle de Preisner, souligne la dimension religieuse de ce qui ressemble à un moderne – et très violent – retour du fils prodigue.

16:51 Publié dans Kino | Lien permanent

dimanche, 23 mai 2010

Sandra ou la Tragédie grecque transposée au XXe siècle

Sandra, sorti en 1965, n'est certes pas un des films majeurs de Luchino Visconti ; mais ce grand réalisateur a-t-il seulement fait des films mineurs ou négligeables ? S’il en est, Sandra n’en est pas un. Sombre et lumineux, violent et sensible, ce film a tous les traits de l'œuvre viscontienne par excellence. Comme souvent, il y est question de la tragédie de l’Histoire à travers le destin d’une famille.

La tragédie ici est celle de l’Holocauste, et la famille Luzatti emprunte à l’Orestie ses personnages de frère et sœur proprement hantés par la mort du père (dénoncé et déporté à Auschwitz). Les enfants se déchirent au sujet de la culpabilité de leur mère, qui a doublement trahi son mari en prenant un amant et en le condamnant à la mort. Le fils ne pouvant venger le père, à cause de la passion dévorante qu’il éprouve pour sa sœur, est conduit au suicide comme s’il était puni de son impuissance par les Erinyes.

10:27 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : visconti