dimanche, 09 avril 2017
Pulsions ou comment De Palma réinterprète Hitchcock
S'il ne cesse de rendre hommage à Hitchcock dans ses films, Brian De Palma s'est essayé dans Pulsions (un de ses meilleurs films, sorti aux Etats-Unis en 1980) à une réinterprétation de deux scènes emblématiques de l'œuvre hitchcockienne.
1) La scène du musée rappelle celle de Vertigo, mais dans une version dilatée et déployée au gré de l’imagination de De Palma (retenir l’image d’une scène dépliée). Ainsi tourne-t-elle au jeu du chat et de la souris (avec l’appât du gant perdu) dans les salles d’art moderne et contemporain du musée, avant de prendre un autre tour, plus labyrinthique, de remontée dans le temps à travers les salles des collections classiques et renaissantes. Ce qui n’était qu’un jeu banal de la séduction devient alors une quête éperdue et angoissée du désir, comme si la femme cherchait à retrouver dans un passé symbolique l’espoir d’amour qu’elle a perdu. Cette quête, après un échec apparent, finira par aboutir un peu plus tard, mais pour le malheur de la femme.
2) La scène de la douche est conçue comme une reprise de celle de Psychose, non en la décalquant, mais en la décomposant pour mieux la recomposer. De Palma semble avoir voulu laisser une chance à la femme de se défendre (comparable à celle laissée au taureau dans une corrida), ce qui se manifeste chez elle par la recherche, ne serait-ce que du regard, d’une arme par destination. Elle croit l’avoir trouvée dans le rasoir rangé dans une armoire à glace qui répond à celui du tueur ; mais acculée ou condamnée, elle ne parvient pas à l’atteindre et n’échappe pas au fatal égorgement. Lequel est cependant suivi du réveil soudain de la femme, qui était donc la proie d’un cauchemar. Dans l’esprit du réalisateur, il s’agissait manifestement de se livrer à une décomposition-recomposition de la scène mythique de la douche, mais aussi à un jeu d’hypothèses quasiment abstrait, comme s’il avait voulu démontrer que la femme placée dans cette situation ne pouvait pas se sauver.
Par finir, que diraient aujourd’hui d’un tel film les tenants du « politiquement correct » ? On y voit tout de même une femme adultère punitivement lacérée de coups de rasoir et un tueur psychopathe sous les traits d’un psychiatre travesti, potentiellement transgenre. Ce film n’eût pas manqué de créer une polémique s’il était sorti de nos jours.
23:00 Publié dans Kino | Lien permanent