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vendredi, 27 avril 2018

Bergman vs Tarkovski

La dialectique qui se trouve au cœur de leurs œuvres respectives n’est pas la même : le duo ou le duel a la préférence de Bergman (comme au théâtre) tandis que le trio est privilégié par Tarkovski (comme sur le modèle de la trinité chrétienne). L’un met en scène des huis clos, des affrontements psychologiques, des accouchements de vérité dans la douleur ; l’autre, des intérieurs lumineux ou des paysages foisonnants, des images qu’on pourrait dire iconiques, des dialogues énigmatiques dont le sens est ouvert vers un au-delà. La métaphysique du premier est tout intérieure alors que celle du second est plus cosmique.

14:09 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : bergman, tarkovski

mercredi, 07 février 2018

Le Miracle de Persona

Persona est une sorte de miracle : ce film d'Ingmar Bergman (sorti en 1966) montre, à travers deux femmes opposées et pourtant fusionnelles par moments, le mal, le mal-être, la méchanceté, la souffrance, la vengeance et, au lieu d’être laid, effrayant ou répugnant, il est beau, fascinant et presque religieux. La lumière est religieuse, onirique, spectrale, et elle fait plus qu'adoucir la noirceur des sentiments ou des personnages ; elle transcende les visages, magnifie les paysages, réconcilie l’humanité avec le monde. A-t-on jamais vu un film qui soit à ce point cruel et sublime, terrible et merveilleux ? – En tout cas, rares sont les films qui présentent de tels contrastes.

12:18 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : bergman

samedi, 02 décembre 2017

La Terreur et la Déroute

La Chevauchée des bannis d’André de Toth est un western de montagne en deux parties qui met en scène la terreur et la déroute : la terreur que fait régner une bande de malfaiteurs poursuivis par l’armée régulière dans un village enneigé faussement tranquille ; la déroute de ces malfaiteurs, qui, après avoir terrorisé les villageois, prennent le chemin de la montagne où, conduits malicieusement par l’homme fort du village, ils s’entretuent pour s’approprier la totalité de leur butin et finissent par se perdre.

La première partie du film est une sorte de huis clos où l’on sent bien l’oppression et la peur de mourir. La seconde partie ressemble à une longue marche de la mort, au cours de laquelle une nature implacable s’abat punitivement sur une humanité maléfique. Une belle œuvre morale à laquelle il manque peut-être – par moments – une certaine esthétisation des situations ou une meilleure mise en valeur des décors naturels.

02:14 Publié dans Kino | Lien permanent

samedi, 18 novembre 2017

Dans le Jardin du diable de Hathaway

Le Jardin du diable de Henry Hathaway s’ouvre comme un très classique récit d’aventures sur le débarquement d’Américains sans cause dans un pays étranger – le Mexique – et trouve son argument dans la mission que leur confie une femme de sauver son mari qui est coincé au fond d’une mine d’or. S’ensuit une longue expédition à cheval pleine d’espérances, où la tentation de la chair se mêle à l’appât du gain. Mais le film tourne à la fable morale lorsque la présence fantomatique des Apaches anéantit tout rêve d’enrichissement et transforme l’équipée des mercenaires en voyage retour de l’enfer – le jardin du diable.

La dernière réplique du film – dite par Gary Cooper dans une lumière crépusculaire – lui sert de morale : « Si le monde était fait d’or, les hommes mourraient pour une poignée de poussière. » Plus que l’intérêt du scénario, il faut souligner la force de la réalisation de Hathaway, avec une image en Technicolor dominée par une tonalité chromatique entre le bleu et le mauve. Tout au long du film, des plans larges donnent à voir des paysages de montagne absolument somptueux, qui forment la toile de fond d’une œuvre aussi admirable que passionnante.

01:55 Publié dans Kino | Lien permanent

jeudi, 31 août 2017

Chef d'orchestre ou compositeur

Un réalisateur qui ne fait pas tout ressemble plus à un chef d’orchestre qu’à un compositeur.

01:05 Publié dans Kino | Lien permanent

jeudi, 06 juillet 2017

L'Adieu de Zweig au monde

Le film de Maria Schrader - Stefan Zweig, adieu l'Europe - donne à voir quatre moments de l’exil de l’écrivain, qui oscille entre détachement et nostalgie, ironie et mélancolie, jusqu’à l’épilogue universellement connu. Toute la subtilité du film est de montrer, derrière ces oscillations et malgré l’attachement à une nouvelle terre – le Brésil –, le lent et presque imperceptible effondrement de Zweig. Il se voit en creux ou fugitivement, dans un geste, un regard ou encore le reflet d’une vitre de voiture où passe un feu de broussailles comme une vision de la guerre lointaine.

On est agréablement surpris par la forme d’un film, qui, avec son sujet, avait tout pour tomber dans l’ordinaire ou le déjà vu. On retient de belles choses : le plan fixe de l’ouverture ou celui de l’épilogue, divisé en champ et contrechamp par le miroir d’une armoire, ou encore ce diptyque visuel où, dans un appartement new-yorkais, Zweig et son ex-femme semblent abattus sans se regarder. L’image d’un couple qui s’est défait dans un monde lui-même en train de se défaire et qui, pour cette raison même, ne peut se reformer.

01:18 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : zweig

dimanche, 18 juin 2017

Le Retour de Schlöndorff

Retour à Montauk ou comment rattraper le temps perdu. Tel pourrait être le sous-titre de ce film de Volker Schlöndorff qui met en scène un écrivain au double nom symbolique – Max Zorn cherchant à faire revivre un amour passé, lequel restera toutefois fantomatique. Ce qui aurait pu être ne sera jamais. Morale douce-amère d’une histoire qui pourrait avoir été empruntée à la vie de Max Frisch ou à celle de son ami, Schlöndorff lui-même. Mais il ne s’agit peut-être pas tant d’un film-testament que d’une œuvre de regret servant à sublimer des blessures secrètes ou des insatisfactions jamais surmontées. En tout cas, la forme est belle, lumineuse, d’un romantisme qui rappelle parfois celui de Caspar Friedrich (les images de bord de mer), et elle tranche avec la fadeur des derniers films de Schlöndorff.

01:14 Publié dans Kino | Lien permanent

dimanche, 09 avril 2017

Pulsions ou comment De Palma réinterprète Hitchcock

S'il ne cesse de rendre hommage à Hitchcock dans ses films, Brian De Palma s'est essayé dans Pulsions (un de ses meilleurs films, sorti aux Etats-Unis en 1980) à une réinterprétation de deux scènes emblématiques de l'œuvre hitchcockienne.

1) La scène du musée rappelle celle de Vertigo, mais dans une version dilatée et déployée au gré de l’imagination de De Palma (retenir l’image d’une scène dépliée). Ainsi tourne-t-elle au jeu du chat et de la souris (avec l’appât du gant perdu) dans les salles d’art moderne et contemporain du musée, avant de prendre un autre tour, plus labyrinthique, de remontée dans le temps à travers les salles des collections classiques et renaissantes. Ce qui n’était qu’un jeu banal de la séduction devient alors une quête éperdue et angoissée du désir, comme si la femme cherchait à retrouver dans un passé symbolique l’espoir d’amour qu’elle a perdu. Cette quête, après un échec apparent, finira par aboutir un peu plus tard, mais pour le malheur de la femme.

2) La scène de la douche est conçue comme une reprise de celle de Psychose, non en la décalquant, mais en la décomposant pour mieux la recomposer. De Palma semble avoir voulu laisser une chance à la femme de se défendre (comparable à celle laissée au taureau dans une corrida), ce qui se manifeste chez elle par la recherche, ne serait-ce que du regard, d’une arme par destination. Elle croit l’avoir trouvée dans le rasoir rangé dans une armoire à glace qui répond à celui du tueur ; mais acculée ou condamnée, elle ne parvient pas à l’atteindre et n’échappe pas au fatal égorgement. Lequel est cependant suivi du réveil soudain de la femme, qui était donc la proie d’un cauchemar. Dans l’esprit du réalisateur, il s’agissait manifestement de se livrer à une décomposition-recomposition de la scène mythique de la douche, mais aussi à un jeu d’hypothèses quasiment abstrait, comme s’il avait voulu démontrer que la femme placée dans cette situation ne pouvait pas se sauver.

Par finir, que diraient aujourd’hui d’un tel film les tenants du « politiquement correct » ? On y voit tout de même une femme adultère punitivement lacérée de coups de rasoir et un tueur psychopathe sous les traits d’un psychiatre travesti, potentiellement transgenre. Ce film n’eût pas manqué de créer une polémique s’il était sorti de nos jours.

23:00 Publié dans Kino | Lien permanent

vendredi, 10 février 2017

Ce que Silence dit de Scorsese

Le sujet du dernier film de Scorsese - Silence - est emprunté au roman éponyme de Shûsaku Endô : la persécution des chrétiens dans le Japon du XVIIe siècle et l’obligation d’apostasie imposée même aux prêtres évangélisateurs, acculés à devenir comme des marranes chrétiens.

Scorsese prend ce détour exotique et historique pour traiter les thèmes qui lui sont chers comme la violence originelle, la solitude au sein du groupe et la rédemption par la souffrance. Mais à travers le martyre des missionnaires portugais et des autochtones convertis dans le Japon des Shoguns, il reprend et illustre aussi tous les dilemmes du christianisme : le doute ou la prière, la parole ou le silence, le sacrifice de soi ou le sacrifice de la foi.

A ces dilemmes se joint ou se superpose l’opposition de l’universel et du particulier, avec les enjeux de l’évangélisation du monde (au nom de la vérité du Christ), d’un côté, et la préservation des identités religieuses ou culturelles (comme la religion de la nature des Japonais), de l’autre. C’est sans doute parce que Scorsese n’a jamais traité aussi explicitement, aussi frontalement ces questions qu’il atteint ici à une forme d’épure cinématographique, loin de son rythme et de ses effets habituels.

Silence s’inscrit parmi les grands films religieux ou chrétiens, à tout le moins, de l’histoire du cinéma.

22:27 Publié dans Kino | Lien permanent

lundi, 22 juin 2015

Antonioni, peintre autant que cinéaste

Le fil conducteur de l’exposition de la Cinémathèque est Antonioni dans ses rapports avec la peinture. Une phrase du maître reproduite sur la première cimaise dit tout du grand projet antonionien : « Je crois qu’il importe aujourd’hui que le cinéma se tourne vers cette forme intérieure, vers ces expressions absolument libres comme est libre la littérature, comme est le libre la peinture qui parvient à l’abstraction. » Le dernier point de comparaison est essentiel. Antonioni est avant tout un plasticien, et pas seulement au cinéma, puisqu’il était également peintre, ce que montre bien l’exposition à travers la série des « Montagnes enchantées » notamment.

C’est par cette dimension plastique que l’on touche à la puissance et à la singularité de son œuvre. Car Antonioni ne s’est pas contenté de peindre ou de faire des fresques comme Fellini ou Visconti ; il a fait de l’image elle-même, non seulement sa matière première, mais encore l’objet d’une quête fondamentale, comme la recherche d’une vérité ou d’une forme sans représentation. Ainsi a-t-il rejoint par la voie du cinéma l’abstraction picturale et réussi à transposer celle-ci au cinéma comme peuvent en témoigner certains plans de sa trilogie en noir et blanc des années 1960 et, tout particulièrement, son dernier volet, L’Eclipse.

Il y avait également chez lui une tension entre la visée d’une intemporalité intérieure et le souci d’une temporalité historique (la pauvreté paysanne, la menace atomique, les ravages de l’industrie chimique, le Swinging London, l’Amérique de la Contestation). Ce souci a suivi tout le long de son œuvre une courbe irrégulière qui a toutefois atteint son point culminant au tournant des années 1960-70, avec Zabriskie Point. Peut-être n’a-t-il réussi à s’en libérer que sur le tard pour arriver à une pureté plastique coïncidant avec une authentique vérité intérieure, dans Identification d’une femme ou Par-delà les nuages.

01:18 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : antonioni