lundi, 16 août 2021
Liaison et déliaison chez Bergman
Le Lien d’Ingmar Bergman est une belle histoire d’adultère qui met moins l’accent sur la triangulation de l’amour que sur l’opposition des sentiments, des caractères et des milieux. C’est par ce qui les oppose que les amants s’aiment et se désaiment alternativement avant de se séparer définitivement. Bergman montre bien ce qu’il y a à la fois d’irrésistible et d’impossible dans l’amour lorsqu’il est pulsionnel, passionnel, exclusif, sans considération d’intérêt ou de famille. On pourrait y voir un film moral dans le fond ; mais on peut aussi y voir une illustration de la vision réaliste, cruelle et conflictuelle qu’avait Bergman de l’amour. A noter également la petite ville hors du temps où se passe l’action du film, le choix de musiques minimalistes et intrigantes à la fois ou encore la scène finale, faite d’une succession de plans éloignés, qui clôt l’amour des amants.
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vendredi, 14 février 2020
Parasite n'est pas le paradis
Parasite de Bong Joon Hon est un croisement de La Règle du jeu et d’Affreux, sales et méchants. Bien qu’inégal, le film croît en intensité pour atteindre des sommets, scénaristiques et visuels, lorsque la famille pauvre qui, en suivant un plan diabolique, finit par investir la maison des riches. La lutte des classes tourne à l’affrontement entre les pauvres au moment du retour de l’ancienne gouvernante et de la découverte de son mari enfermé dans la cave. Cet affrontement atteint son paroxysme à l’occasion d’une fête des riches où la lutte des classes reprend le dessus, mais d’une manière aussi baroque qu’invraisemblable. Le réalisme social verse alors dans un genre d’horreur grotesque qui fait dérailler le film au lieu de le laisser aller vers une fin magistrale. Il eût été plus fort de laisser la machination des pauvres gens se dérouler jusqu’au bout en la couronnant par une apothéose cynique ou un retournement ironique. Le film, qui a été vu comme une critique en règle de la société capitaliste, se clôt sur le rêve parfaitement petit-bourgeois d’une revanche individuelle et non d’une espérance révolutionnaire.
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vendredi, 31 août 2018
La Solitude des femmes entre elles
Femmes entre elles : le titre est édulcoré en comparaison de celui de la nouvelle de Pavese (Entre femmes seules) dont le film d'Antonioni - sorti en 1955 - est l’adaptation. Derrière la frivolité qu’il annonce, il y a un drame, une tragédie même. Tout commence par une tentative de suicide qui sème le trouble, mais à peine, le temps pour un groupe d’amies d’en faire le reproche à celle qui en est à l’origine. Puis, la légèreté reprend son cours, entre flirt et infidélité. Mais la gravité travaille en souterrain : l’interrogation demeure, l’inquiétude aussi, et surtout la difficulté de vivre. Elle est commune à tous les personnages, de Clelia l’ambitieuse à Rosetta la suicidaire, en passant par Momina la volage, Nene la généreuse, Lorenzo le raté ou encore Cesare le coureur. Chacun éprouve à sa façon la solitude intérieure, l’incommunicabilité avec les autres et l’impossibilité de l’amour. Et s’il n’y a qu’une femme qui tombe au bout du compte, c’est que les autres s’agrippent à quelque chose ou choisissent de fuir.
23:06 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : antonioni, pavese
dimanche, 05 août 2018
Le Goût d'Ozu
Le Goût du saké montre la résolution à contrecœur d’un père veuf qui pousse sa fille à se marier pour qu’elle ne devienne pas une vieille fille. Il y a dans ce dernier film d’Ozu sorti en 1962 un concentré de toute son œuvre, de son style poétique et géométrique à la fois (caractérisé par une succession de plans fixes, centrés ou parfois décentrés), de son regard doux-amer sur un Japon traditionnel qui disparaît (entre la réduction de la famille étendue et le développement de la société de consommation). Ozu a su être le cinéaste de la transition historique du Japon d’après-guerre avec des principes formels tendant à l’intemporalité artistique. C’est dans cette dualité que réside la grandeur du réalisateur de Voyage à Tokyo.
La matrice de son œuvre est dans ses carnets, où il se révèle philosophe autant qu’artiste. On y trouve cette excellente maxime : « Pour les choses qui n’en valent pas la peine, suivre la mode. Pour les choses importantes, suivre la morale. Pour l’art, ne suivre que soi. » Il y a chez lui du moraliste tranquille, du nationaliste résigné ou du conservateur ironique, l’ironie étant une forme sublimée de la résignation. Et au bout de cela, il y a une philosophie du vide que symbolise le « rien » qui figure sur sa tombe. On peut y voir une ultime ironie ou la négation de toute forme d'espérance. Ozu, que l’on croit seulement cinéaste, est un maître de sagesse.
01:52 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : ozu
mardi, 31 juillet 2018
Laura nue : le film antonionien de Nicolò Ferrari
Le sujet de Laura nue est le mal d'amour d’une jeune mariée de vingt ans dans la Vérone du début des années 1960. Ce film en noir et blanc assez dépouillé dans la forme, tout en gros plans, avec un fond de musique mélancolique, s’inscrit dans une veine très antonionienne. Le mal de vivre, l’impossibilité d’aimer ou d’être heureux, l’incommunicabilité entre les êtres sont les thèmes profonds d’une œuvre qui témoigne d’une époque (le creux ou le contrecoup du miracle économique italien) et qui ne serait peut-être pas passée inaperçue sans les films contemporains – et plastiquement plus remarquables – d’Antonioni.
22:38 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : antonioni, mélancolie
vendredi, 27 avril 2018
Bergman vs Tarkovski
La dialectique qui se trouve au cœur de leurs œuvres respectives n’est pas la même : le duo ou le duel a la préférence de Bergman (comme au théâtre) tandis que le trio est privilégié par Tarkovski (comme sur le modèle de la trinité chrétienne). L’un met en scène des huis clos, des affrontements psychologiques, des accouchements de vérité dans la douleur ; l’autre, des intérieurs lumineux ou des paysages foisonnants, des images qu’on pourrait dire iconiques, des dialogues énigmatiques dont le sens est ouvert vers un au-delà. La métaphysique du premier est tout intérieure alors que celle du second est plus cosmique.
14:09 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : bergman, tarkovski
mercredi, 07 février 2018
Le Miracle de Persona
Persona est une sorte de miracle : ce film d'Ingmar Bergman (sorti en 1966) montre, à travers deux femmes opposées et pourtant fusionnelles par moments, le mal, le mal-être, la méchanceté, la souffrance, la vengeance et, au lieu d’être laid, effrayant ou répugnant, il est beau, fascinant et presque religieux. La lumière est religieuse, onirique, spectrale, et elle fait plus qu'adoucir la noirceur des sentiments ou des personnages ; elle transcende les visages, magnifie les paysages, réconcilie l’humanité avec le monde. A-t-on jamais vu un film qui soit à ce point cruel et sublime, terrible et merveilleux ? – En tout cas, rares sont les films qui présentent de tels contrastes.
12:18 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : bergman
samedi, 02 décembre 2017
La Terreur et la Déroute
La Chevauchée des bannis d’André de Toth est un western de montagne en deux parties qui met en scène la terreur et la déroute : la terreur que fait régner une bande de malfaiteurs poursuivis par l’armée régulière dans un village enneigé faussement tranquille ; la déroute de ces malfaiteurs, qui, après avoir terrorisé les villageois, prennent le chemin de la montagne où, conduits malicieusement par l’homme fort du village, ils s’entretuent pour s’approprier la totalité de leur butin et finissent par se perdre.
La première partie du film est une sorte de huis clos où l’on sent bien l’oppression et la peur de mourir. La seconde partie ressemble à une longue marche de la mort, au cours de laquelle une nature implacable s’abat punitivement sur une humanité maléfique. Une belle œuvre morale à laquelle il manque peut-être – par moments – une certaine esthétisation des situations ou une meilleure mise en valeur des décors naturels.
02:14 Publié dans Kino | Lien permanent
samedi, 18 novembre 2017
Dans le Jardin du diable de Hathaway
Le Jardin du diable de Henry Hathaway s’ouvre comme un très classique récit d’aventures sur le débarquement d’Américains sans cause dans un pays étranger – le Mexique – et trouve son argument dans la mission que leur confie une femme de sauver son mari qui est coincé au fond d’une mine d’or. S’ensuit une longue expédition à cheval pleine d’espérances, où la tentation de la chair se mêle à l’appât du gain. Mais le film tourne à la fable morale lorsque la présence fantomatique des Apaches anéantit tout rêve d’enrichissement et transforme l’équipée des mercenaires en voyage retour de l’enfer – le jardin du diable.
La dernière réplique du film – dite par Gary Cooper dans une lumière crépusculaire – lui sert de morale : « Si le monde était fait d’or, les hommes mourraient pour une poignée de poussière. » Plus que l’intérêt du scénario, il faut souligner la force de la réalisation de Hathaway, avec une image en Technicolor dominée par une tonalité chromatique entre le bleu et le mauve. Tout au long du film, des plans larges donnent à voir des paysages de montagne absolument somptueux, qui forment la toile de fond d’une œuvre aussi admirable que passionnante.
01:55 Publié dans Kino | Lien permanent
jeudi, 31 août 2017
Chef d'orchestre ou compositeur
Un réalisateur qui ne fait pas tout ressemble plus à un chef d’orchestre qu’à un compositeur.
01:05 Publié dans Kino | Lien permanent