jeudi, 06 juillet 2017
L'Adieu de Zweig au monde
Le film de Maria Schrader - Stefan Zweig, adieu l'Europe - donne à voir quatre moments de l’exil de l’écrivain, qui oscille entre détachement et nostalgie, ironie et mélancolie, jusqu’à l’épilogue universellement connu. Toute la subtilité du film est de montrer, derrière ces oscillations et malgré l’attachement à une nouvelle terre – le Brésil –, le lent et presque imperceptible effondrement de Zweig. Il se voit en creux ou fugitivement, dans un geste, un regard ou encore le reflet d’une vitre de voiture où passe un feu de broussailles comme une vision de la guerre lointaine.
On est agréablement surpris par la forme d’un film, qui, avec son sujet, avait tout pour tomber dans l’ordinaire ou le déjà vu. On retient de belles choses : le plan fixe de l’ouverture ou celui de l’épilogue, divisé en champ et contrechamp par le miroir d’une armoire, ou encore ce diptyque visuel où, dans un appartement new-yorkais, Zweig et son ex-femme semblent abattus sans se regarder. L’image d’un couple qui s’est défait dans un monde lui-même en train de se défaire et qui, pour cette raison même, ne peut se reformer.
01:18 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : zweig
mardi, 12 décembre 2006
La bonne fortune de Zweig
Zweig n’a rien pour intéresser nos contemporains. C’est un auteur subtil, spirituel, mais aussi sensible et sentimental. Le monde aristocratique qu’il décrit est oisif, veule, obscurément tourmenté, aimablement désuet. C’est un monde de conventions et de sentiments faits pour les délicats et les privilégiés.
Comment expliquer alors la fortune persistante de Zweig en des temps voués à la dérision et à la vulgarité ? Comment expliquer l’étonnante indulgence des critiques et l’engouement jamais démenti des lecteurs ? Les premiers, jamais en mal de bons sentiments, en dépit des apparences, pensent peut-être, sans pouvoir s’en détacher, à la fin tragique de Zweig ; les seconds, souvent de jeunes bourgeoises, il faut bien le reconnaître, rendent hommage au sentimentalisme et à la mièvrerie de ses nouvelles.
Si l’on veut bien les comparer, Zweig semble avoir quelques avantages sur Proust. Tous deux peignent une société perdue ou en perdition. Tous deux ont le goût et les raffinements d’une aristocratie à laquelle ils n’appartiennent pas. Mais à défaut de génie, Zweig continue d’avoir les faveurs d’un public qu’on ne trouve pas aussi nombreux et juvénile du côté de Proust. L’Autriche crépusculaire de l’un a peut-être plus de charme que les grands salons parisiens de l’autre. Mais la raison, l’inavouable raison est ailleurs : Zweig est plus bref que Proust.
14:40 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : zweig, proust