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vendredi, 21 février 2025

Le Bréviaire de la défaite

Le nouvel ouvrage de Gilles Sicart est publié aux éditions Portaparole.

https://portaparolefrance.com/boutique/nouveau/le-breviai...

16:48 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : moralistes, aphorismes

mercredi, 05 février 2025

La Fin d'un monde selon Martin Ritt

Le Plus Sauvage d’entre tous de Martin Ritt est un western moderne et désenchanté, qui fait appel à des archétypes mi-mythologiques, mi-bibliques. Il y a du Caïn dans le personnage de cow-boy qu’incarne Paul Newman et l'environnement dans lequel il évolue a tout d’une terre maudite. Comme par une loi de la fatalité, le mal qui habite le personnage principal coïncide avec le mal physique qui mine un monde en perdition. La haine du père a poussé le fils vers le vice, et le père vieillissant, épuisé, dépassé par ce qu’est moralement ce fils, est à l’image d’un monde pastoral qui se meurt sous les coups de butoir de la modernité et dont la fin est tragiquement symbolisée, avant la mort du père, par la scène d’abattage du bétail. Ce film sombre et crépusculaire est une œuvre sur le Mal, qu’une remarquable photographie magnifie.

18:15 Publié dans Kino | Lien permanent

lundi, 20 janvier 2025

Dostoïevski ou le Combat contre le nihilisme

L'article sur Dostoïevski et le nihilisme est à lire sur le site de la revue Le Contemporain.

https://www.lecontemporain.net/2025/01/dostoievski-ou-le-combat-contre-le.html

samedi, 04 janvier 2025

Les Trois vertus de Camus

Quelques mots sur Albert Camus en ce jour anniversaire de sa disparition.

Il y aurait tant à dire encore et toujours pour le présenter, seulement l’évoquer ou même le saluer. Tant d’autres l’ont fait, et tant de fois il a été fait ici même.

Nous retiendrons cette fois trois idées que nous appellerions volontiers les trois vertus de Camus et qui reviennent à caractériser l’homme autant que l’écrivain ou le philosophe.

Il était un homme de la reconnaissance, et non un homme du ressentiment. Dans sa vie aussi bien que dans son œuvre, il s’est toujours montré reconnaissant envers ses maîtres, ses devanciers ou simplement ceux qui, des plus humbles aux plus fameux, méritaient à ses yeux d’être reconnus, salués ou admirés.

Il était un homme de courage, au sens physique comme au sens moral de ce syntagme. De la Résistance à la guerre d’Algérie, en passant par l’attitude à avoir face au communisme, il s’est engagé pour ce qui lui paraissait nécessaire, juste ou vrai jusqu’au péril de sa vie, de ses amitiés et même de sa réputation. Il avait le courage de la vérité plus encore que celui de ses convictions profondes.

Il était un homme de la mesure, sans avoir jamais la tentation de la démesure. L’hubris des hommes le désespérait plus que le silence des dieux. Dans son combat pour la justice, il avait le souci de l’équité et de la clémence. Comprendre l’adversaire lui importait autant que de le combattre. De la figure mythologique de Némésis, il ne voulait retenir que la mesure et non la vengeance.

Telles étaient les qualités essentielles de Camus qui peuvent être des exemples ou des enseignements pour nos contemporains.

23:34 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : camus

jeudi, 19 décembre 2024

Oraison funèbre

Il est peu d’écrivains qui, hors du domaine religieux, ont excellé dans l’exercice de l’oraison comme André Malraux.

Que l’on en juge en écoutant ou en réécoutant – sans que l’on puisse jamais s’en lasser – son discours d’hommage à Jean Moulin, dont c’est aujourd’hui même le soixantième anniversaire.

Tout ce qui fait le grand art oratoire s’y trouve réuni par la solennité de l’événement (l’entrée de Moulin au Panthéon en présence de l’homme du 18 juin), mais aussi par la voix habitée d’un écrivain ministre qui paraît avoir voulu réconcilier Hugo et Bossuet.

L’histoire de l’unificateur de la Résistance intérieure est racontée à la manière d’un récit épique qui, avec ses ellipses et ses images fortes, fait place à la légende autant qu’à la vérité historique et qui, dans sa conclusion, atteint une grande intensité dramatique par une adresse à la jeunesse de France.

Ce discours de Malraux qu’on devrait faire entendre dans toutes les écoles du pays appartient, comme le héros de la Guerre qu’il célèbre, à la mémoire de la Nation.

10:23 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : malraux

jeudi, 21 novembre 2024

Kafka, de l'enfouissement à l'étouffement littéraire

Franz Kafka n’est pas un écrivain de l’évasion, mais de la réclusion ou de l’exploration intérieure. Il ne cherche pas à s’évader, mais à s’enfoncer en lui-même. Tout lui est bon pour se replier, se retirer du monde, se protéger des autres comme de lui-même. C’est pourquoi on peut voir dans Le Terrier, comme dans Les Carnets du sous-sol pour Dostoïevski, le texte le plus révélateur de Kafka.

L’idée du terrier n’est pas venue par hasard sous sa plume. Au-delà de son côté plaisamment animalier, le terrier est une métaphore ambivalente. C’est à la fois le refuge parfait, en raison de son enfouissement, et un habitat presque ordinaire, avec les bruits du voisinage causés par des travaux de rongeurs.

L’être du terrier imaginé par Kafka se distingue de l’homme du souterrain dostoïevskien. L’un est angoissé et paranoïaque ; l'autre, souffrant et vindicatif. On voit bien Kafka dans l’être du terrier comme on imagine bien Dostoïevski – en dépit de son combat contre le nihilisme – dans l’homme du souterrain.

La comparaison entre les deux écrivains s’impose pourtant, car ils ont le même rapport au texte intime sous les apparences ou non de la fiction. En manière d’écriture totale, le journal peut rivaliser avec le roman, aussi bien dans le Journal d’un écrivain de Dostoïevski que dans le Journal de Kafka. Les deux œuvres ont en commun de contenir en germe ou même de renfermer des fictions à part entière. Mais le caractère matriciel du journal est plus évident chez Kafka que chez Dostoïevski.

La conséquence d'un éclatement de la fiction est que l’autonomie du texte n’existe pas vraiment chez Kafka. N’importe quel texte, du plus mineur au plus achevé en apparence, forme le même corps avec les autres. Il n’y a pas seulement d’unité par le style ou la vision du monde, il y a une unité proprement organique, laquelle rend impossible la dissociation, la liberté même du texte. L’achèvement, s’il en est un, ne peut donc pas être dans la partie, mais dans le tout.

Mieux qu’une poétique de l’inachèvement, l’absence de clôture intérieure fait la grandeur de l’œuvre de Kafka ; mais elle fit aussi, de son vivant, son désespoir littéraire. Il a décrit un monde oppressant et lui-même a fini par en être oppressé. L’enfouissement comme un refuge symbolique a fini – nonobstant la maladie – en étouffement littéraire, puisqu’il a poussé Kafka à vouloir la destruction posthume de ses manuscrits.

19:03 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : kafka, dostoïevski

jeudi, 10 octobre 2024

L'Armée des ombres ou la Tragédie intérieure de la Résistance

L’Armée des ombres, qui fut d’abord un roman de Joseph Kessel (écrit en 1943) et que Jean-Pierre Melville a voulu plus resserré pour l’adapter au cinéma (en 1969), met en scène un petit groupe de résistants au cœur de la France occupée. Ceux-ci sont conduits à mener des actions de sabotage contre l’Occupant, mais aussi des opérations de sauvetage pour eux-mêmes. Ils doivent se sauver ou se sacrifier, tuer un frère ou une sœur d’armes s’il le faut, et non seulement étrangler un traître d’occasion ou trancher la gorge d’un soldat ennemi. La Résistance fut une école de courage, mais aussi et surtout une leçon de philosophie pratique, un cas de conscience à trancher, un choix essentiel à faire pour la vie de chacun et du groupe.

C’est ce que montre L’Armée des ombres et plus encore, car il y a l’art de Melville et son sens de la dramaturgie. Si son film est aussi remarquable, c’est que tout y concourt artistiquement, entre le soin apporté à l'image dominée par des nuances de vert-de-gris et le choix d'une musique cérémonieuse et tragique (composée par Eric Demarsan), sans oublier la direction rigoureuse des acteurs (il faudrait pouvoir les mentionner tous), la sécheresse janséniste des dialogues et cette idée de la voix narrative du tout premier personnage du film, Philippe Gerbier, magnifiquement incarné par Lino Ventura.

Ce qui rend par-dessus tout le film admirable et même bouleversant, c'est le tableau d'une Résistance en vase clos, formant un monde à l'intérieur du monde, où le moindre fait, geste ou mot prend une importance immense. Et c'est au sein de ce monde intérieur, comme un huis clos quasi permanent, en dépit des ouvertures ou des échappées vers l'extérieur, que se joue le drame du petit groupe de résistants, qui, abandonnés à leurs peurs et à leurs dilemmes moraux, portent avec eux tout le poids de la tragédie humaine.

10:02 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : melville

samedi, 21 septembre 2024

In memoriam Henry de Montherlant

Montherlant ne voulait pas attendre le solstice d'hiver, où la nuit l'emporte sur le jour. Il choisit donc l'équinoxe de septembre – « quand le jour est égal à la nuit » pour entrer de lui-même et en pleine conscience dans la nuit éternelle.

10:20 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : montherlant

vendredi, 13 septembre 2024

Montaigne et le plaisir de la vertu

Michel de Montaigne est le premier des moralistes français. Tous l’ont lu, commenté, critiqué ou pillé. Lui-même a fait d’abondants emprunts aux Anciens pour composer ses Essais. Ainsi a-t-il pris son fameux « philosopher, c’est apprendre à mourir » à Cicéron qui lui-même l’avait pris à Platon.

Il y a bien des mérites à lui reconnaître comme ce qu’il dit de l’importance de la coutume dans les mœurs ou du corps pour l’exercice de la pensée (en quoi se retrouvera Nietzsche), mais aussi et surtout cette manière de proposer une philosophie en parlant de soi qui lui donne un insigne avantage sur d’autres philosophes.

En matière de morale, Montaigne ne fait pas œuvre originale en envisageant une vertu vicieuse ou en prônant la modération dans la vertu. C’est plutôt en associant, contre le sens commun et celui des philosophes, la volupté à la vertu : « Quoi qu’ils disent, en la vertu même, le dernier but de notre visée, c’est la volupté. »

Il ne veut pas signifier par là que la vertu est le moyen du vice, mais bien que la volupté vient couronner la vertu. Il établit naturellement une distinction entre la volupté de la vertu, haute et solide, et l’autre volupté, plus commune, plus basse, « moins pure d’incommodités et de traverses », qui est celle des sens ou du corps sans la vertu.

Il est vrai qu’Aristote avait déjà dit dans son Ethique à Nicomaque que « La vertu apporte en elle-même un véritable plaisir », et Sénèque dans toute sa philosophie que le bonheur réside dans la vertu. Mais Montaigne, pourtant chrétien en dépit de son inclination au scepticisme, va plus loin qu’eux en faisant de la vertu une promesse de volupté et même de « suprême plaisir » comme s’il oubliait la promesse de félicité dans un autre monde.

Pour mesurer l’audace de Montaigne, il suffit de comparer son point de vue à celui des moralistes du Grand Siècle. Le mot « volupté » ne se rencontre pas dans les Maximes de La Rochefoucauld, où le plaisir n’est jamais rapporté qu’à soi et non à la vertu. La Bruyère ne voit dans la volupté qu’une vaine chose qui naît et finit avec l’homme, même si « le plaisir le plus délicat est de faire celui d’autrui ».

Quant à Pascal, certes plus mystique que moraliste, il ne parle des « voluptés » que dans leur rapport avec les sens, et les plaisirs qui ne sont pas ceux d’une union avec Dieu lui paraissent appartenir à la condition pécheresse des hommes d’ici-bas : « Tous nos plaisirs ne sont que vanité. »

De tout cela, il faut retenir que Montaigne est un esprit qui aime à surprendre, mais aussi à défendre une morale de la mesure qui, sans forcément ériger le plaisir en vertu (comme l’épicurisme), fait une place au plaisir et même à la volupté.

lundi, 09 septembre 2024

Le Crabe-Tambour ou le Chant funèbre de l'amitié

Le film de Pierre Schoendoerffer sorti en 1977, plus encore que son livre éponyme (qui obtint le grand prix de l'Académie française en 1976) du fait des coupures auxquelles il dut procéder, est un hymne à l’amitié et, en particulier, un hommage à l’ami absent, devenu par son absence même, mais aussi par ses faits d’armes et sa passion des chats noirs, un héros de légende dont le souvenir lumineux, à peine assombri par des choix dissidents, occupe l’esprit de deux hommes.

Une mission en mer qui réunit l’un, commandant d’un escorteur (Jean Rochefort), et l’autre, médecin-major (Claude Rich), est l’occasion de ressouvenirs partagés au sujet de l’absent (Jacques Perrin), qui promènent le spectateur par les mers et les océans – à travers des images d’une beauté crépusculaire – jusqu’au bout du monde. La mémoire en cause ici est celle de quelques soldats égarés, de guerres perdues et d’un pays rétréci, dont la grandeur n’est plus qu’une idée ou une nostalgie.

Après la révélation du mal et peut-être du remords qui rongent le commandant, l’hymne à trois voix (si l’on ajoute celle du chef mécanicien de l’escorteur) prend la forme d’une cérémonie des adieux au milieu d’un océan glacial, indifférent et déchaîné à la fois, où il est dit adieu aux armes, à l’amitié et à la vie. Il prend fin, comme une méditation poétique ou une élégie funèbre, dans un cimetière marin sur fond de musique atonale.

10:23 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : schoendoerffer