samedi, 02 août 2025
Un péril pour la civilisation
Le divertissement n'est pas nécessairement synonyme de déclin ou même de décadence, car il participe avant tout de la civilisation des mœurs en éloignant l'humanité de la violence primitive ou en la détournant de la pulsion de mort. Mais il peut l'être à partir du moment où il absorbe toute la vie humaine, et c'est ce qu'il fait de nos jours à travers l'omniprésence des écrans. Ceux-ci sont devenus l'instrument d'un divertissement permanent, intrusif, exclusif et donc tyrannique, qui, pour cette raison même et par un étrange retournement, mine les fondements de la civilisation.
10:02 Publié dans Divertissement | Lien permanent
mardi, 15 juillet 2025
La Connexion permanente ou la fin du temps libre
Les congés d'antan ne sont plus : la connexion permanente a tout changé. Le temps supposément libre qui était un temps pour consommer seulement par intermittence est devenu, à quelques moments près, un temps pour rester connecté en permanence. Il n'est plus désormais qu'un temps unique (hors du temps du sommeil) pendant lequel nous sommes proprement reliés au monde pour pouvoir consommer de la donnée numérique (miracle de la postmodernité : la connexion est une forme de consommation qui se suffit à elle-même) et en nourrir par là même les opérateurs qui prétendent vouloir nous libérer de toute distance ou de tout effort. Congés ou pas, notre temps, bon gré, mal gré, leur appartient, ne nous y trompons pas.
10:41 Publié dans Civilisation | Lien permanent
dimanche, 15 juin 2025
Un sacrifice sans sacré
Le tatouage contemporain marque moins le passage de la norme à la marge qu'un retour à la norme primitive. C'est un signe de reconnaissance immédiat, le marquage d'une frontière symbolique, l'encrage d'une identité qui peut être individuelle, plurielle ou tribale. Mais à la différence des peuples premiers, il y a aussi une inconscience dans le jeu des signes et des symboles qui dépasse des individus contemporains sans croyance véritable ni culture autre que superficielle, ignorants de la puissance de la représentation et donc perdus dans la recherche d'un sacré réduit au sacrifice de leur épiderme.
00:29 Publié dans Civilisation | Lien permanent
samedi, 24 mai 2025
Un mal épidémique
Moralement, l'obésité est un des effets du dérèglement du moi. Entre les écrans et la malbouffe, le moi est porté au gonflement de lui-même. Il se libère du surmoi pour devenir un supermoi, hors de toute mesure. Mais la liberté expansive de soi n'a qu'un temps, car viennent les ennuis, les complexes, les pathologies, et parfois même la mort avant l'âge. Quelle étrange civilisation où l'on meurt de trop manger... Un retournement inouï.
00:25 Publié dans Civilisation | Lien permanent
samedi, 26 avril 2025
L'art contemporain comme imitation de l'art moderne
Du point de vue esthétique, l'impasse dans laquelle se trouve l'art contemporain tient à une mimésis qui n'est pas celle d'Aristote, tout au contraire. Il ne cherche plus à imiter la nature ou même les anciens maîtres, mais seulement les élèves rebelles de ces maîtres, en oubliant qu'il n'est pas d'art sans savoir-faire et en semblant ignorer que la seule rébellion, transgression ou provocation ne suffit pas à faire une création (ce que savaient encore les maîtres modernes). Autrement dit, l'art contemporain est dans la répétition ou l'imitation ad nauseam de l'art moderne – ou plutôt du geste moderne sans l'idée quasi sacrée de refonder l'art.
17:58 Publié dans Jeu de massacre | Lien permanent | Tags : aristote
mercredi, 16 avril 2025
Les Vérités de Svevo sous le masque de Zeno
L'article sur Italo Svevo est à lire sur le site de la revue Le Contemporain.
https://www.lecontemporain.net/2025/04/les-verites-de-sve...
dimanche, 23 mars 2025
La Sirène de Sorrentino
Le dernier film de Paolo Sorrentino - Parthénope - nous conte la vie d’une sirène moderne, belle et insaisissable, qui, telle la réincarnation de la divinité éponyme de Naples, passe d’un âge à l’autre sans que sa beauté soit flétrie ou son esprit corrompu. Les hommes défilent dans sa vie comme des êtres vaincus et malheureux qui ne parviennent pas à la conquérir ou même à l’enfermer dans leur amour. Avec son air mutin, mais aussi une blessure intérieure laissée par le suicide de son frère, elle soutient une thèse en anthropologie sans saisir l’objet de cette matière et devient professeur en titre en prenant la succession de son directeur de thèse que l’existence secrète d’un enfant hydrocéphale a rendu incrédule et désabusé. Ainsi retrouve-t-on à travers ces personnages contrastés, mais aussi des images si belles qu’elles en paraissent artificielles, le balancement qui fait la manière singulière et parfois déconcertante de Sorrentino entre gaieté et mélancolie, hymne et élégie, hédonisme et nihilisme.
22:29 Publié dans Kino | Lien permanent
samedi, 08 mars 2025
Les Leçons d'un film catastrophe
La Tour infernale de John Guillermin, qui est un film catastrophe datant de 1974, vaut moins pour ses effets spéciaux que pour les éléments symboliques ou moraux qu'il contient. Du point de vue symbolique, on peut voir dans le gratte-ciel gigantesque bâti au cœur de San Francisco une nouvelle tour de Babel vouée à la punition divine. Du point de vue moral ou même religieux, on peut voir dans les protagonistes du film des figures du Bien ou du Mal, et dans le cas des premières, des figures rédemptrices.
L’architecte qui n’est pour rien dans le grand incendie, car il a pensé à tout sauf à la cupidité ou à la corruption des entrepreneurs, accepte de porter sur ses épaules le poids de la faute de ces derniers pour sauver autant d’hommes et de femmes qu’il est possible. Mais il y a un autre sauveur, de métier celui-là, le chef des pompiers, qui, sans avoir le sentiment de culpabilité de l’architecte, remplit une mission quasi religieuse dans sa lutte contre le feu infernal que la folie ou l’hubris des hommes a provoqué. Voilà donc un film conçu pour le divertissement du spectateur qui est aussi fait pour son édification.
19:03 Publié dans Kino | Lien permanent
vendredi, 21 février 2025
Le Bréviaire de la défaite
Le nouvel ouvrage de Gilles Sicart est publié aux éditions Portaparole.
https://portaparolefrance.com/boutique/nouveau/le-breviai...
16:48 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : moralistes, aphorismes
lundi, 17 février 2025
Les Damnés - opus III
Les Damnés de Roberto Minervini est le troisième film répertorié dans l'histoire du cinéma à porter ce titre, mais le point commun avec ceux de Losey et de Visconti s'arrête là. Ni science-fiction anglaise, ni crépuscule des dieux germaniques ici ; seulement une manière de damnation en terre américaine. Pendant la guerre de Sécession, une compagnie de volontaires de l’armée nordiste parcourt sans but véritable des terres désertiques et enneigées de l’Ouest américain. L’attente, l’angoisse, le froid les étreignent jusqu’à l’attaque d’un ennemi incertain et invisible.
Si ce film, réaliste et naturaliste à la fois, est remarquable, c'est parce qu'il montre surtout les temps morts ou les temps sans morts de la guerre, les longs moments presque ordinaires où les soldats s’occupent à se nourrir, à se divertir ou à discuter spontanément du sens de la vie comme de celui du combat, parfois sous l’invocation de Dieu. Les damnés que sont ici ces soldats perdus dans une terre inconnue pour eux trouvent encore la force de prier, de communier avec la nature, d'espérer une vie harmonieuse avec elle, alors même que leur sort paraît scellé.
01:11 Publié dans Kino | Lien permanent