mercredi, 14 juillet 2010
Blèche ou le roman de l'imposture bourgeoise
Drieu la Rochelle est de ces écrivains qui sont parvenus à faire de leur sensibilité bourgeoise une littérature des mauvais sentiments. Blèche, paru en 1928, appartient à la catégorie de ses romans – comprenant également Drôle de voyage ou Rêveuse Bourgeoisie – où il n'y a d'autre intrigue que sentimentale ou psychologique, sans considération politique apparente. Drieu part d’un fait domestique pour atteindre à la vérité profonde d’un personnage, d’un milieu et d’une époque. L’analyse des sentiments à laquelle il se livre, et qui sans doute doit beaucoup à la connaissance de son propre moi, est digne de Benjamin Constant ou de Xavier de Maistre. Et c’est avec la même acuité du regard qu’il s'attache à cerner l’esprit des années 1920 marqué par des idées et des tentations nouvelles, annonciatrices de la décennie suivante.
Le Blaquans de Drieu qui est un écrivain catholique sans la foi en Dieu, et qui n’est pas sans rappeler le Cénabre de Bernanos dans L’Imposture, porte en lui une singularité morale et une universalité propre à la condition de l’homme moderne. Il est un imposteur qui a choisi la religion pour vivre bourgeoisement et un solitaire pourtant marié qu’attirent érotiquement la foule de la grande ville comme les femmes à son service. Le vol dont il est la victime l’accuse et le révèle à lui-même dans sa dualité, laquelle a pour cause une faiblesse de caractère, une mollesse cachée, une irrésolution foncière. Des traits qui caractérisent souvent les personnages de Drieu et dont il ne faut pas s'étonner qu'ils soient aussi les siens.
11:42 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : drieu, bernanos, constant