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jeudi, 02 septembre 2010

L'Existentialisme précoce de Moravia

Alberto Moravia passe pour avoir été le premier romancier existentialiste avant la lettre. Bien qu’elle soit contestable si l’on pense par exemple à Svevo, cette réputation a une part de vérité. Dès son premier roman paru en 1929, Les Indifférents, l’écrivain italien – qui avait alors vingt-deux ans – a créé un monde d’enfermement où les personnages se caractérisent par une insensibilité vicieuse et une inactivité pathologique.

Ils habitent dans une maison bourgeoise, aussi vaste que poussiéreuse, encombrée de meubles et d’objets pesants. Le verbe habiter doit être pris ici dans un sens passif, tant l'idée d'habitude obsède jusqu'à la nausée les cinq personnages du roman. Dans cet intérieur étouffant, tout est rite ou répétition et on rêve de liberté et de scandale – non par révolte, mais par ennui. Ou par révolte contre l'ennui.

Le confort de la maison, au lieu d’en faire un havre de paix, en fait un bain de culture pour le ressentiment. Tous les personnages, sans s’aimer ou s’estimer beaucoup, restent néanmoins collés les uns aux autres, solidaires malgré eux de leur médiocrité et de leur insatisfaction. Ils sont tout à la fois veules et cyniques, oisifs et méprisants. Et pourtant, ils sont conscients de leur état au point, comme Michel et Carla, de se mépriser eux-mêmes.

Ne pouvant s’imposer face à Léo, l’amant de sa mère, Michel hésite entre la feinte et la fuite. Il voudrait avoir des réactions ou des sentiments, mais il n’y arrive pas. Il ne se sent pas assez concerné par ce qui l’entoure pour ressentir quelque chose, même envers Lisa, l'amie de sa mère, avec laquelle il entame une liaison. Cependant, il rêve d'un monde où l’âme pourrait adhérer à la réalité extérieure. Par là, il annonce et préfigure même Roquentin plus que Meursault.

Carla partage les mêmes velléités que son frère, mais elle croit avoir sur lui un avantage : sa liaison avec Léo. Celle-ci finit pourtant par la convaincre que sa vie ne changera jamais et que le mariage serait peut-être pis que le célibat ; Michel ne serait même pas capable de tuer Léo, comme dans la fameuse affaire Murri, pour l’en libérer. Les indifférents sont condamnés à le rester, comme dans un enfer perpétuel.

01:35 Publié dans Lettres | Lien permanent | Tags : existentialisme, svevo, moravia