lundi, 22 juin 2015
Antonioni, peintre autant que cinéaste
Le fil conducteur de l’exposition de la Cinémathèque est Antonioni dans ses rapports avec la peinture. Une phrase du maître reproduite sur la première cimaise dit tout du grand projet antonionien : « Je crois qu’il importe aujourd’hui que le cinéma se tourne vers cette forme intérieure, vers ces expressions absolument libres comme est libre la littérature, comme est le libre la peinture qui parvient à l’abstraction. » Le dernier point de comparaison est essentiel. Antonioni est avant tout un plasticien, et pas seulement au cinéma, puisqu’il était également peintre, ce que montre bien l’exposition à travers la série des « Montagnes enchantées » notamment.
C’est par cette dimension plastique que l’on touche à la puissance et à la singularité de son œuvre. Car Antonioni ne s’est pas contenté de peindre ou de faire des fresques comme Fellini ou Visconti ; il a fait de l’image elle-même, non seulement sa matière première, mais encore l’objet d’une quête fondamentale, comme la recherche d’une vérité ou d’une forme sans représentation. Ainsi a-t-il rejoint par la voie du cinéma l’abstraction picturale et réussi à transposer celle-ci au cinéma comme peuvent en témoigner certains plans de sa trilogie en noir et blanc des années 1960 et, tout particulièrement, son dernier volet, L’Eclipse.
Il y avait également chez lui une tension entre la visée d’une intemporalité intérieure et le souci d’une temporalité historique (la pauvreté paysanne, la menace atomique, les ravages de l’industrie chimique, le Swinging London, l’Amérique de la Contestation). Ce souci a suivi tout le long de son œuvre une courbe irrégulière qui a toutefois atteint son point culminant au tournant des années 1960-70, avec Zabriskie Point. Peut-être n’a-t-il réussi à s’en libérer que sur le tard pour arriver à une pureté plastique coïncidant avec une authentique vérité intérieure, dans Identification d’une femme ou Par-delà les nuages.
01:18 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : antonioni