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lundi, 15 août 2005

Sous le soleil de Satan : la belle inspiration de Pialat

Evidemment, le livre de Bernanos est plus riche que le film. Certaines scènes, certains personnages du livre n'apparaissent pas dans le film. Il manque aussi les pensées obscures de l'abbé Donissan, les tentations impies et pies du vieil académicien, un personnage absent du film.

Pourtant, Pialat n’est pas à blâmer ; tout au contraire, son film est magnifique. Aussi magnifique qu’un tel film, une adaptation difficile, pouvait l’être. Certaines scènes du roman - l’entrevue de Mouchette avec son amant député au lendemain du crime, la rencontre entre l’abbé Donissan et Mouchette au petit matin, le port du cadavre de Mouchette jusqu’à l’autel de l’église, le soulèvement et la résurrection de l’enfant mort - sont merveilleusement rendues. De toutes cependant, la plus réussie, la plus saisissante, la plus fascinante est l’entretien avec le diable : par une nuit de pleine lune, le Tentateur masqué en maquignon surgit de l’ombre, s'offre comme guide à un abbé Donissan perdu et épuisé, cherche à le corrompre, l'embrasse par surprise et dévoile ainsi sa vraie nature, avant d’entendre l'abbé lui dire : « Retire-toi, Satan ! »

Plus loin, on y entend aussi la voix la plus déchirante de l’abbé Donissan : « Nous sommes vaincus, vous dis-je ! Vaincus ! Vaincus ! » L’homme est vaincu, et Dieu avec lui, face au « Prince du monde », au prince de ce monde. Il n’y a rien à faire. Le malin s’insinue partout, se niche y compris au cœur du bien, irrémédiablement. Quoiqu’on fasse, c’est lui qui gagne, ici-bas, qu’on soit ou qu’on croie être avec Dieu. La joie, c’est lui ; la tristesse, encore lui ; l’espoir ou le désespoir, toujours lui. L’adorateur de Dieu n’est pas moins pécheur que l’apostat. Le ministre du Seigneur n’est pas plus saint que le serviteur du Prince. Le pécheur est l’ami, le frère du saint homme.

01:57 Publié dans Kino | Lien permanent | Tags : bernanos